Têtes de cochon du troupeau grunge, les Screaming Trees cessent le feu noisy : crépusculaire et sensible. Nés en plein épicentre grunge, les Screaming Trees y ont puisé leur énergie sans déléguer au troupeau le soin de les diriger. Fin des années 80 : alors que tout Seattle rallie Sub Pop, c’est sur le label […]
Têtes de cochon du troupeau grunge, les Screaming Trees cessent le feu noisy : crépusculaire et sensible.
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Nés en plein épicentre grunge, les Screaming Trees y ont puisé leur énergie sans déléguer au troupeau le soin de les diriger. Fin des années 80 : alors que tout Seattle rallie Sub Pop, c’est sur le label SST (celui d’Hüsker Dü et des Minutemen) que paraissent leurs premières œuvres joliment décalées. On se souviendra d’un Buzz factory souverain, porteur sain et altier d’une identité vénéneuse et cardiaque. Au cœur, justement, d’un psychédélisme féroce s’affrontent déjà les boucles de guitares nocives de Gary Lee Conner et la voix de chantre urbain de Mark Lanegan. Plutôt que d’invoquer les habituels parrains du ressac destroy, c’est vers Bob Dylan ou Neil Young que pointent les premières références. Seule dévotion perceptible issue de leur Etat de Washington natal : Jimi Hendrix, ses guitares noueuses comme une treille de vigne, ses compositions gorgées d’un swing retors susceptibles d’être lues à plusieurs niveaux. La principale force des Screaming Trees est là, dans cette propension à écrire des chansons gigognes, où s’imbriquent volutes acidulées et uppercuts cartésiens. Le combat entre Mark Lanegan et Gary Lee Conner est permanent, attisé par la production d’un George Drakoulias pas toujours aussi délicat. De ces tensions (entretenues par les brillantes escapades solitaires de Lanegan, The Winding sheet ou Whiskey for the holy ghost parus chez le cousin Sub Pop) naît une musique de traverse, en marge de tout. On l’attend raide comme la justice (Dying days), on la débusque en fait au milieu d’une toundra équidistante du Velvet Underground et de Jefferson Airplane (Look at you ou Make my mind ). On la croit un instant cajoleuse et mélancolique, surlignée Côte Ouest par les claviers de Benmont Tench (All I know ou Sworn and broken), elle revient vous gifler sans sommation (le magnifique Witness). Plus tiraillé que jamais par ses antagonismes, Dust règle pourtant toutes ses guerres intestines avec un rare brio. Quatre ans le séparent de son prédécesseur Sweet oblivion, le temps sans doute de négocier les trêves, de panser la plaie des seventies, d’en tirer sapience et sensibilité. Toujours en pleine cicatrisation, les Screaming Trees nous convient aujourd’hui au premier cessez-le-feu noisy digne de ce nom. Les canons se taisent, mais aucun n’a encore enclenché le cran de sûreté. Le danger couve.
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