On réédite les Only Ones, trouble-fêtes décadents et maudits du bal new-wave. Splendeurs et misères d’un culte intime. Le terme est d’une terrifiante banalité. On n’en a pourtant pas repéré d’autres pour qualifier les Only Ones. Groupe maudit donc, par défaut. Nulle légende, presque aucune anecdote, un souvenir incertain, rendu plus flou encore par quinze […]
On réédite les Only Ones, trouble-fêtes décadents et maudits du bal new-wave. Splendeurs et misères d’un culte intime.
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Le terme est d’une terrifiante banalité. On n’en a pourtant pas repéré d’autres pour qualifier les Only Ones. Groupe maudit donc, par défaut. Nulle légende, presque aucune anecdote, un souvenir incertain, rendu plus flou encore par quinze longues années de trou noir à peine troublées par les effusions solitaires d’un Guy Chadwick bêtement énamouré, mais qui aura bien été le seul à briser le silence, à oser tout au long de la carrière triste de House of Love se réclamer d’eux. Comme si tout restait à faire, tout restait à dire d’un Peter Perrett reclus et souffreteux, d’une poignée de chansons si vénéneuses qu’on préféra les dissimuler afin de mieux les perdre. Amnésie collective. A d’autres, on aurait édifié des chapelles, rendu un culte, mobilisé théologiens et autres encyclopédistes. Mais même à l’heure des bilans de l’ère new-wave, on classa les Only Ones à la rubrique des oubliés. Quant à la France, terre d’asile de tous les éclopés, de tous les parias, elle ne sut les accueillir qu’à coups de canette, en première partie de Trust et de Shakin’Street. Fermez le ban. Pour le groupe, c’était de toute façon perdu d’avance. Avec un bassiste rangé des voitures depuis 1967, un ex-Spooky Touth à la batterie, un guitariste à moitié chauve et aux tentations hendrixiennes, tous largement trentenaires et plutôt sales sur eux, la mission relevait de l’impossible. Alors, que dire de Peter Perrett, de sa mise à l’afféterie de fête foraine ? fourrures mitées et veste léopard ?, en pleine effervescence post-punk Précieux et décadent, junkie mais lucide, l’homme n’avait que bien peu de rapports avec, au hasard, Joe Strummer ou Andy Partridge, sinon l’époque: 1978. Les trois albums des Only Ones, qu’on réédite aujourd’hui dans l’anarchie la plus totale (noblesse oblige), ne furent jamais qu’ une séance de rattrapage, une infime parcelle de gloire chipée au nez et à la barbe d’une destinée contraire. « I always flirt with death/I looke ill but I don’nt care about it » (Je flirte en permanence avec mort/J’ai l’air malade mais je m’en fous) : les chansons de Peter Perrett n’ont jamais eu beaucoup de santé. Scrofuleuses, ambiance de fièvre, elles ne tenaient debout que grâce aux béquilles d’une instrumentation largement dopée. Sous respiration artificielle. Ballades toxiques et déliquescentes, nimbées de parfums délétères (From here to eternity), ou drug-songs effrénées, à la configuration de montagnes russes (94nother girl, another planet, The Beast), elles semblaient chantées par un Lou Reed nauséeux, toujours au bord de la défaillance. Romantique, désappointe et suicidaire, Perrett ne semblait fasciné que par les formes troubles de la beauté, comme aspiré par la spirale des splendeurs et des misères. Splendeurs de trois grands disques malades, misères morales et matérielles qui suivront le split du groupe. A partir de 1981, on perd la trace de Peter Perrett, qu’on dit chauffeur de taxi ou laitier. L’hiver dernier, on le vit enfin réapparaître, éphémère, le temps d’un maxi et d’un nouveau groupe, The One. L’inspiration n’avait pas varié d’un cil. Peter Perrett n’en a visiblement pas terminé avec ses démons.
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