Jour de fées Henry Purcell The Fairy queen, dir. Nikolaus Harnoncourt (2 CD Teldec/Warner) Le maître du baroque anglais fête cette année le tricentenaire de sa mort en bonne compagnie. “La partition de La Reine des fées montre bien qu’il (Purcell) fut un grand homme de théâtre”, conclut madame McCleave dans ses notes de pochette, […]
Jour de fées Henry Purcell The Fairy queen, dir. Nikolaus Harnoncourt (2 CD Teldec/Warner)
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Le maître du baroque anglais fête cette année le tricentenaire de sa mort en bonne compagnie.
« La partition de La Reine des fées montre bien qu’il (Purcell) fut un grand homme de théâtre », conclut madame McCleave dans ses notes de pochette, avec un sens de la litote qu’on ne connaît qu’aux musicologues anglais les plus chenus. Elle a raison, madame McCleave : il ne faut surtout pas s’énerver. La Reine des fées (The Fairy queen), après tout, n’est que le théâtre fait musique, une sorte d’électrochoc permanent qui vous met des fourmis plein les jambes et des paillettes plein les oreilles. L’œuvre, créée en 1692, mit le feu aux planches anglaises avant de disparaître et d’être miraculeusement retrouvée au fond d’une bibliothèque londonienne au début du siècle. Galvanisé par la prose de Shakespeare, Purcell affine ici la méthode musicale qui fait de lui l’un des plus grands compositeurs baroques de tous les temps et que l’on pourrait grossièrement résumer ainsi : un câlin, une baffe. Un coup je caresse (airs suaves, mélodies langoureuses), un coup je cogne (gros tintouin orchestral) méthode dont l’exquis raffinement évoque assez l’art ancestral de certains tortionnaires chinois. Tout cela relevé par une espèce d’ébriété dans l’écriture toujours prompte à faire déraper l’œuvre dans les bas-côtés, ou carrément verser dans le caniveau. A ce titre, la Scène du poète ivre ou la Danse des singes sont assez exemplaires. Donc, on est au comble du bonheur et on n’a pas le temps de s’ennuyer. Sur la scène du Musikverein de Vienne, ce jour de décembre 1994, on ne s’ennuie pas non plus. L’équipe soudée autour d’Harnoncourt a visiblement décidé de faire un sort au chef-d’œuvre purcellien et pratique un style qu’on qualifiera, faute de mieux, de haut en couleur. Sur le papier, la distribution est l’une des plus luxueuses qu’on puisse réunir à l’heure actuelle Bonney, McNair, Dale, Chance et l’excellentissime Arnold Sch nberg Chor. Dans les faits, elle réussit un sans-faute à peu près intégral (à part Michael Chance, qui paraît un peu fatigué). Mais ce Fairy queen est surtout l’occasion pour Harnoncourt de revenir à un répertoire auquel il semblait avoir pratiquement renoncé, préférant ces temps-ci mettre sa baguette au service de Bruckner ou Johann Strauss. Force est de reconnaître qu’il n’a pas perdu la main : drôle, vive et fantasque, sa direction hisse ce Fairy queen au niveau des réalisations les plus stimulantes du tricentenaire Purcell en cours. On ne va pas s’acharner sur cette pauvre madame McCleave, mais quand même, elle ne devait pas avoir écouté le disque pour oser proférer des platitudes pareilles.
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