Retour de Will Oldham avec deux disques en collaboration : l’anecdotique All most heaven et le beau et nocturne Get on jolly. Les disques de Will Oldham, ex-frère Palace, ont la sale habitude de transformer nos vies, de chambouler nos oreilles, l’air de rien, avec une indifférence toute nonchalante. Ainsi, Oldham ou, quand ça […]
Retour de Will Oldham avec deux disques en collaboration : l’anecdotique All most heaven et le beau et nocturne Get on jolly.
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Les disques de Will Oldham, ex-frère Palace, ont la sale habitude de transformer nos vies, de chambouler nos oreilles, l’air de rien, avec une indifférence toute nonchalante. Ainsi, Oldham ou, quand ça lui chante, Bonny « Prince » Billy nous a pris en otages et ne nous lâche plus, s’amusant à détourner nos émotions, à en faire de la chair à pathos. Ces disques-là sont des champs de bataille, desquels on ne ressort jamais indemne, jamais tout à fait le même, la mémoire un peu plus courte, les sens violés. Ces jours-ci, il livre deux disques courts, en forme de collaborations. Le premier, All most heaven, réalisé avec Rian Murphy, second couteau estimable du label Drag City, est anecdotique, malgré un casting de choix : Smog, Jim O’Rourke… Will Oldham, pour la première fois, donne l’impression de relâcher sa prise et se fait un peu plus joyeux et fanfaron : l’intrusion de pianos de bastringue et d’orchestrations de foire sont autant d’occasions de jouer les mauvais larrons, les sagouins de carnaval. Get on jolly, en revanche, réconcilie avec le meilleur de Palace. Ces six morceaux familiers mettent à plat une musique délicate et branlante, où les voix, les instruments et les arrangements passent leur temps à nous faire croire qu’ils sont en train de vaciller, de s’éteindre à petit feu. Get on jolly sonne comme un disque surréel, enregistré après une apocalypse imaginaire, par des musiciens persuadés que les Everglades jouxtent l’Inde et le Pakistan. Ces types-là (Oldham et le Marquis de Tren, alias Mick Turner, membre actif des Dirty Three) sont allés dénicher leurs textes dans les pages du poète indien Rabindranath Tagore et en ont fait des mantras nocturnes, des blues poisseux, macérés dans du vin de fortune, des chansons d’amours désertées, des cris d’angoisse qui sont autant de défaites avouées du geste devant la chanson, la musique. Ici, guitares, violons, voix, cordes et vents tendent à la contemplation ultime : celle qui reconnaît qu’il y a davantage d’émotions et d’ivresse dans trois accords mineurs et une voix écorchée que dans des milliers d’histoires d’amour en trompe-l’œil, faussement réalistes, faussement intimes ou habitées.
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BONNY « PRINCE » BILLY & THE MARQUIS DE TREN Get on jolly (Domino/Labels)
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