Si on ne doit être reconnaissant que d’une chose envers les Pales Fountains, c’est d’avoir été les ambassadeurs acharnés de Love pour une génération qui avait résumé le passé au Velvet et à ses enfants. Toutes ces années pour finalement nous rendre compte que ce que nous chérissons le plus dans le rock était justement […]
Si on ne doit être reconnaissant que d’une chose envers les Pales Fountains, c’est d’avoir été les ambassadeurs acharnés de Love pour une génération qui avait résumé le passé au Velvet et à ses enfants. Toutes ces années pour finalement nous rendre compte que ce que nous chérissons le plus dans le rock était justement l’absence de rock. Les portes grandes ouvertes par certains avaient laissé entrevoir trop d’espace dans l’au-delà du rock : giboulées de cordes, symphonies de chambrette, ambitions mégalomanes de petits êtres frêles ? Paris 1919, Pet sounds, Berlin, Chelsea girl… Le rock, lui, tout étriqué en comparaison : il suffit de réécouter avec courage les récentes rééditions des Dogs pour immédiatement souffrir de claustrophobie. Atroce impression de carcan, de cachot. De l’air, Love en avait à revendre. Forever changes, ou comment le rock part pour la première fois se balader à la campagne. Psychédélisme de sous-bois, le rock des champs contre le rock des villes, guitares en arbre contre électricité… C’est le vent qui ici souffle la mélodie à un Arthur Lee très présentable en sylphe. Un disque miraculeux et si vaste qu’on s’y perd encore aujourd’hui. Rarement rock avait plané aussi haut au-dessus des limites imposées par le genre, jamais le rhythm’n’ blues n’avait osé un vol aussi audacieux par-dessus le smog. Inévitablement, Arthur Lee redescendra sur terre par la suite et touchera à une réalité qu’il survolait jusque-là : dans les sous-bois, boue, ronces et ornières. Son rock se chausse alors de bottes en caoutchouc, se salit les mains. Icare n’approchera plus jamais Forever changes.
Oublions d’entrée de jeu la vaste majorité de la face B de ce nouveau Arthur Lee & Love, jam de blues et de rythmes aussi hors sujet qu’une réunion de vétérans du Vietnam ou qu’un colloque sur « Mai 68 et la communication ». Dans une récente interview, Arthur se vantait d’avoir « inventé » les Doors et Hendrix. Et puis Beethoven, l’électricité, la bicyclette et le vaccin antirabique. La vieillesse est un naufrage. Et au lieu de se demander ce que Jimi Hendrix ou Jim Morrison auraient bien pu faire en 92, plutôt voir ce que les Rolling Stones font aujourd’hui. Pas question, non plus, d’accepter dans notre discothèque la guitare pipelette de Sornebodys watchin’ you (à moins qu’Arthur n’ait inventé JJ Cale et donc Dire Straits ?), la bêtise de fête estudiantine de I believe in you (vous savez, celle où Jean-Claude et le gros Dédé se déguisent en Blues Brothers et font vraiment marrer tout le monde) ou l’incontinence de Twenty on my way. Epuration nécessaire, qui nous laisse finalement dans l’intimité de deux solides chansons : You’re the prettiest song I’ve ever sung, digne de Bacharach/David, et surtout, le miraculeux Five string serenade enfin digne de Love. La pluie ruisselle sur les feuilles, les violons sont aquilons, on jurerait le sous-bois de Andmoreagain. Deux beaux restes à nous laisser babas, deux chansons largement admissibles, soit deux de plus que sur Magic & loss : la mythologie, la chair et les os en sus.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}