L’inspiration saharienne de Robert Plant, le groove éthiopien d’Akalé Wubé et l’electro andine de Chancha Via Circuito, c’est le tour du monde musical proposé par Louis-Julien Nicolaou.
Robert Plant entre Black Country et Sahara
Dans la sphère des musiques du monde, aucune star du rock n’est plus admirée que Robert Plant, seul chanteur de sa génération à avoir foulé le sol saharien moins en quête d’exotisme que mû par une fascination véritable pour ses lenteurs, son dépouillement et les mélopées en arabesques qu’il inspire. Déjà obsédant durant le règne de Led Zeppelin, le désert le hante aujourd’hui autant que le Mississippi et le Pays Noir des Midlands. Lullaby and… The Ceaseless Roar réunit ces influences, les bendirs marocains et les n’goni et riti maliens s’y mêlant aux banjos et guitares pour propulser cette voix unique – l’une des plus belles de l’histoire du rock –, certes plus fragile que naguère mais toujours aussi précise, féline, saisissante dans l’infinie variété de ses émotions.
Chancha Via Circuito, electro shamanique
Puisant dans le chamanisme andin pour fumer à l’herbe du diable ses créations, Chancha Via Circuito unit dans Amansara d’invisibles magies ancestrales à un enchevêtrement de samples et de circuits électroniques. Une rosée spirituelle descend sur ces compositions aériennes où une harpe rejoint une procession de percussions et où, au détour d’une cumbia bruissant d’une vie florale secrète, peut soudain retentir le ricanement de quelque fauve, d’une divinité discrètement tapie ou d’une Indienne (extraordinaire Miriam García) préparant son chant.
L’erhu lyrique de T.S. Lo
Depuis mille ans, la tradition chinoise chérit l’erhu, humble vièle merveilleusement propre à évoquer dans leurs plus infimes nuances les impressions suscitées par la nature. Du chant des oiseaux à la course des chevaux, d’une réflexion de la lune sur l’eau à sa poursuite par des nuages rosés, Tangh-Suan “T.S.” Lo est le peintre précis et malicieux de ce monde de sensations délicates. Il est aussi un novateur qui, dans le somptueux Taiwan Erhu sorti chez Buda Musique, s’invite avec bonheur chez Debussy, Satie et Ellington ou encore dans une fête klezmer. Son erhu y vibre d’un lyrisme inouï, témoin cette Gymnopédie toute de frissons, chef-d’œuvre de miniature impressionniste.
Le groove éthiopien d’Akalé Wubé
Avec Sost, Akalé Wubé individualise un peu plus son groove d’inspiration éthiopienne mêlé de jazz et de funk. Impossible désormais de dissocier les airs du Swingin’ Addis des compositions originales d’un quintet revenu de ses premières confrontations avec l’Ethiopie contemporaine plus libre et affermi dans son orientation esthétique. Témoignant de cet épanouissement, l’album fond les textures hétérogènes du kraar, de la flûte bansouri, de la voix de Genet Asefa ou encore du mbira en un même courant constamment harmonieux. Akalé Wubé présentera ce nouvel opus le 18 septembre au Studio de l’Ermitage.
Waed Bouhassoun, poésie arabe et tradition syrienne
Si la Syrie apparaît aujourd’hui comme une nation martyrisée par la dictature et la guerre civile, il convient de rappeler que, pendant des siècles, Damas et Alep furent des centres culturels très influents où se transmettaient, de génération en génération, une tradition musicale parmi les plus subtiles du monde. Formée à cet art mais ouverte à la culture populaire extra-classique, Waed Bouhassoun chante avec une grâce étourdissante les poètes et mystiques anciens (Ibn Zydoun, Mansur al-Hallaj, Qays Ibn al-Mulawwah…) et modernes (le grand poète syrien Adonis). Accompagnée de son seul oud, elle livre dans L’Âme du luth onze compositions personnelles d’une beauté immédiate, familière, comme un refuge à l’intimité.
https://soundcloud.com/buda-musique/waed-bouhassoun-lame-du-luth
Kavita Shah, jazz métissé
Formée au classique et au jazz, Kavita Shah, en plus de posséder une technique très sûre, révèle dès son premier album, Visions, une ambition étonnante. Qu’elle aborde Joni Mitchell, Stevie Wonder ou Cesaria Evora, quitte son quintet de jazz pour dialoguer avec une kora et des tablas ou emmène le raga Desh de la tradition hindoustanie sur une voie imprévue, elle ne perd jamais de sa juvénile assurance, fortifiée par la limpidité miraculeuse de sa voix. A découvrir le 7 octobre, sur la scène du Sunset.
Márcio Faraco, maître du swing brésilien
Etabli en France depuis plusieurs années, Márcio Faraco n’a pas pour autant rompu avec la chanson populaire brésilienne. Seulement, entre une samba et une ballade chuchotée, il aime désormais à chanter Paris, ses jardins du Luxembourg, ses jours de pluie et ses amours bohèmes. Ce n’est pas dans cette carte postale, heureusement peu exploitée, que se trouve l’intérêt de Cajueiro, mais dans les suavités et syncopes que le chanteur et guitariste maîtrise parfaitement, le swing brésilien l’emportant ici sans discussion possible sur celui des titis de Paname.
Le groove caribéen d’Elio Villafranca
Marqué aussi bien par les jazzmen de La Havane et le fracas des tambours de cérémonie des Noirs de Cuba que par le jazz-rock américain, Elio Villafranca s’est exilé aux Etats-Unis en emmenant dans son piano un monde de sonorités et de rythmes afro-caribéens. Comme une fièvre qui saisirait le corps sans rien laisser apparaître à sa surface, ceux-ci travaillent la musique de Caribbean TInge de l’intérieur, ils en déterminent le sentiment et en guident la marche, insufflant un arrière-plan nostalgique aux brillances du jazz band.