Des savants de Seattle recherchent le trésor Feelies. Au programme : nostalgie doucereuse et enthousiasme. On n’est pas là pour ça, mais on aurait bien envie de parler des Feelies. Un peu crétinement, comme on cause du bon vieux temps d’avant on ne sait trop quoi, à la fin des banquets d’anciens, quand on n’a […]
Des savants de Seattle recherchent le trésor Feelies. Au programme : nostalgie doucereuse et enthousiasme.
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On n’est pas là pour ça, mais on aurait bien envie de parler des Feelies. Un peu crétinement, comme on cause du bon vieux temps d’avant on ne sait trop quoi, à la fin des banquets d’anciens, quand on n’a plus rien à se dire. On pourrait tout aussi bien évoquer le REM du début, Let’s Active, les Bongos ou les Db’s, cette pop de paysans guérisseurs poussée par l’exode rural, arrachée à sa glèbe et évaporée sur le chemin de la ville. On écoute d’abord les Citizens’ Utilities comme d’autres grignotent des madeleines, avec un goût de bonne terre dans la bouche et l’esprit qui vagabonde dans une jungle inextricable. La musique de ce quatuor basé à Seattle un Cobain n’y retrouverait décidément plus ses petits s’ancre là, dans ce fond de nostalgie doucereuse, de souvenirs bonasses, de regrets bidons. On les porte rarement au pinacle, ces groupes réacs qui n’ont à faire valoir qu’un passé qui n’est pas le leur. A la différence près que les Citizens’ Utilities font ça avec l’innocence et l’enthousiasme débordant de randonneurs du dimanche aux mollets d’airain qui découvriraient une vallée déjà répertoriée sur toutes les cartes. Dans la musette du groupe, pas de boussole, pas de boisson énergétique, pas de guide. Chez eux, aucun respect des sentiers balisés. Le genre de potaches à tirer une ligne claire avec des guitares taillées à la hache : fatalement, ça fait des pâtés partout. Souvent, à l’écoute de Lost and foundered, quand une pluie d’encre de Chine s’abat sur les courbes déliées de Roadkill ou de Blood bath, quand un trait frénétique salope les frises délicates de Chemicals, on pense à un Vuillemin qui s’appliquerait à dessiner du Hergé. En surface, les ballades innervées, les berceuses électriques des Citizens’ Utilities pètent la santé, celle de l’Amérique joufflue des campus et des radios étudiantes. Un monde parfait, rongé par le mal des profondeurs, par l’obsession du naufrage affectif. Jamais la belle technique de Joshua Medaris et de Chad Shaver fabuleux guitaristes multidimensionnels dont on ne publiera heureusement jamais les tablatures crénelées dans les revues spécialisées ne voile la face de colossales chansons aux pieds d’argile et au front blême, à peine esquissées par une voix tremblée qui, à chaque couplet, semble réclamer sa part d’oxygène. Affaire de virtuoses à visage humain, de musiciens probes assaillis par le doute, Lost and foundered décline ses certitudes son rock d’eau vive, sa pop d’alpages herbus avec l’assurance d’un grand timide convoqué à l’oral décisif. Sauf que pour une fois ce n’est pas le jury qui aura le dernier mot.
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