Ils inventèrent la fusion à blanc du rock électrique et du funk frigidaire. Objet de culte de la génération sonique américaine, Gang of Four revient, toujours tranchant. Une compilation de Gang of Four, parue en 1990, arborait cet intitulé immodeste : A Brief history of the twentieth century. Pour qualifier l’œuvre d’un groupe à ce […]
Ils inventèrent la fusion à blanc du rock électrique et du funk frigidaire. Objet de culte de la génération sonique américaine, Gang of Four revient, toujours tranchant.
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Une compilation de Gang of Four, parue en 1990, arborait cet intitulé immodeste : A Brief history of the twentieth century. Pour qualifier l’œuvre d’un groupe à ce point méconnu, ce titre pouvait paraître osé. Pourtant, si l’on en juge par l’onde de choc à retardement provoquée par les quatre révolutionnaires de Leeds sur un certain rock contemporain – très fin de siècle, justement -, le cas de Gang of Four mérite une seconde audience. Les Red Hot Chili Peppers estiment par exemple que, sans eux, leur fusion électro-funk-bruitiste n’aurait jamais vu le jour, et ont d’ailleurs confié au guitariste Andy Gill la production de leur premier album. Michael Stipe, qui se trompe rarement dans ses choix, avoue les avoir pillés sans mesure, après que REM eut assuré leur première partie en 1982. Mais, surtout, le gros tas de Tad a déclaré un jour que Gang of Four avait changé sa vie, ce dont on se tapait cordialement avant qu’il n’ajoute « Idem pour Kurt Cobain ».
Il n’en fallait pas davantage pour que Gang of Four devienne subitement une référence obligée, repêchée au plus profond des oubliettes de la new-wave pour venir au secours des jeunes démunis. Au lendemain du punk, parmi les vomissures encore chaudes, Gang of Four incarnait mieux que quiconque la gueule de bois et les réveils pâteux. Leur premier album, un carnaval de néons blafards et de poussières radioactives, parvint à effrayer son époque malgré l’inflation alors vertigineuse des groupes à grands et à petits-frissons.
Avant de se réchauffer les chairs grâce au funk au début des eighties, Gang of Four réussit donc à être le groupe le plus glacé d’une ère polaire.
Déjà abonnés au titre farceur, les quatre ours appelèrent la chose Entertainment.
En I983, lorsqu’ils n’avaient plus rien à se dire, ce fut Hard, l’album queue-de-poisson qui ferma le ban, après deux autres albums incompris(Solid gold en 1981 ; Song of the free, en 1882). Disloqué, le Gang s’est reformé une première fois il y a quatre ans, sans Dave Allen, parti dès 1981, ni Sara Lee qui lui succéda à l’époque, mais autour des deux têtes pensantes originelles. L’album Mall fut une catastrophe, tant artistique que commerciale. Aujourd’hui, Gill et le chanteur:Jon King reprennent quasiment à zéro leur petit jeu de massacre, assurés de pouvoir enfin capitaliser sur l’idolâtrie récente qui les entoure.
De fait, avec Shrinkwrapped, les vétérans tiennent finalement bien la distance face aux électrochocs furieux de Ministry ou Nine inch Nails, et circulent envieux habitués blasés dans la jungle pulsatoire des Peppers. La guitare-rasoir de Gill, objet d’un culte féroce outre-Atlantique, n’a jamais autant éte chauffée à blanc depuis le grand soir du punk, et la voix de King retrouve sans tâtonner sa position favorite: le looping aveugle, perdu dans les fumées industrielles. Faute d’avoir changé le cours de l’histoire du XXe siècle, Gang of Four avance ici les prémisses possibles du chaos organisé qui nous attend dès le début du prochain. Amateurs de luxe, de calme et de volupté, déménagez sur la lune.
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