Cap Vert Parce qu’il fut longtemps la plaque tournante de la traite des Noirs sur l’océan Atlantique, l’archipel du Cap Vert a conservé ce rôle de laboratoire humain où s’entremêlent avec plus ou moins de docilité les cultures africaines et européennes. Si la musique témoigne mieux qu’aucune autre forme d’expression de ce métissage accidentel, elle […]
Cap Vert Parce qu’il fut longtemps la plaque tournante de la traite des Noirs sur l’océan Atlantique, l’archipel du Cap Vert a conservé ce rôle de laboratoire humain où s’entremêlent avec plus ou moins de docilité les cultures africaines et européennes. Si la musique témoigne mieux qu’aucune autre forme d’expression de ce métissage accidentel, elle porte également par sa diversité la trace de sa fulgurante évolution. En l’espace de quelques décennies, la musique cap-verdienne est passée de l’âge de l’obscurité à celui d’un épanouissement qui atteint aujourd’hui, avec la reconnaissance internationale du talent de Cesaria Evora mais aussi l’avènement prometteur d’un Tito Paris, son point culminant. Le moment est peut-être choisi de se pencher d’un peu plus près sur la genèse de l’un des genres dominants du spectre musical cap-verdien, le funana, à travers la parution d’un album du compositeur traditionnel parmi les plus prolixes de l’île de Santiago. Le funana naît au début du siècle avec l’arrivée de l’accordéon diatonique au Cap Vert, instrument qu’auraient emmené dans leurs bagages des colons allemands en route pour l’Argentine où, les grandes orgues n’existant pas, il aurait suppléé à ce manque lors des rites luthériens. Il s’intègre alors aux groupes de finaçon qui officient lors des célébrations religieuses, puis devient le compagnon de choix d’une nouvelle espèce de baladins vagabonds qui en détournent la vocation sacramentelle pour un usage nettement plus profane. Kodé Di Dona, de son vrai nom Grégorio Vaz, est l’une des figures majeures du funana traditionnel, une musique d’une extrême rusticité où le chant répétitif est accompagné à l’accordéon et rythmé par le ferrino (ou reco reco), ce morceau de ferraille denté que l’on racle à l’aide d’un couteau. Si proche par l’esprit et la dimension incantatoire de la musique cajun du bayou profond, que l’on serait tenté de comparer Kodé Di Dona à Clifton Chenier. Concentrant dans sa texture mélodique toute l’aridité sahélienne qui accable le chapelet insulaire, le funana se venge d’une si calamiteuse situation par l’humour et la lubricité. Certains des textes de Kodé Di Dona jonglent aussi adroitement avec les métaphores sexuelles que les bluesmen d’avant-guerre. D’autres comme Fomi 47 ou Seis anus na Tarrafal libèrent avec dignité la plainte d’une population qui n’a pu échapper ni à la famine ni aux affres du colonialisme. Mieux qu’un simple recueil, cet album s’impose comme une véritable anthologie du genre.
Kodé Di Dona, Kodé Di Dona (Ocora)
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