Pour l’immense vivier des musiciens malgaches en tournée dans l’océan Indien, l’île de la Réunion est une étape pleine de promesses. Comme pour beaucoup de leurs compatriotes, ce petit bout de France peut aussi devenir une terre d’exil. Petit bonhomme musculeux et jovial, Marius Fontaine a quitté sa Grande Ile (il est né à Ampanefera […]
Pour l’immense vivier des musiciens malgaches en tournée dans l’océan Indien, l’île de la Réunion est une étape pleine de promesses. Comme pour beaucoup de leurs compatriotes, ce petit bout de France peut aussi devenir une terre d’exil. Petit bonhomme musculeux et jovial, Marius Fontaine a quitté sa Grande Ile (il est né à Ampanefera dans la province de Diego) en 1982, en espérant convertir les danseurs de sega réunionnais au salegy de Madagascar. D’abord musicien de bal, il a multiplié les concerts jusqu’à se forger une réputation d' »ambianceur » hors pair. Devant un public local souvent considéré comme introverti, ce maître de cérémonie rigolard a gagné son surnom de Fenoamby, autrement dit en malgache, de « phénomène ». Elaborant son propre répertoire, Marius a fini par graver en 1991 et 1993 deux premiers albums qui souffraient des maux chroniques de la production insulaire : le manque de moyens et la difficulté de structurer un groupe l’étroitesse du marché obligeant les musiciens à jouer dans plusieurs formations au détriment de l’identité de chacune.
Opiniâtre, Fenoamby a tout de même fini par s’entourer de cinq instrumentistes assez fidèles pour constituer avec lui une des plus belles machines à danser de l’océan Indien. Vu récemment en concert par un spectateur, avouons-le, bien « arrangé » par le rhum local , le groupe mêlait l’allégresse des îles à une profondeur hypnotique digne de la soul vaudoue des Neville Brothers. Bénéficiant du soutien bienvenu d’un petit label parisien (Cobalt), ce troisième album profite à plein de cette cohérence nouvelle. Tout à son plaisir de communiquer la jubilation de ses frétillements, Fenoamby l’a baptisé Ravo, la « joie ». Chacun participe à la fête. L’accordéon du bal créole se frotte langoureusement aux percussions du maloya. Un harmonica espiègle (le très funky Nia hely), une virevoltante guitare africaine dessinent la géométrie d’un square-dance tropical. Armé de son kabosse, petite guitare des bouviers malgaches au son aussi pointu qu’un rire d’enfant, Marius égrène la gaieté du salegy. Parfois pourtant, sur le merveilleux Alako en particulier, ces cordes aiguës ont le pincement mélancolique d’un clavecin. Comme si, au milieu de la kermesse, le phénomène rêvait aux rivages trop lointains du pays natal.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}