L’animateur a réalisé sa dernière émission pour la BBC après 12 ans de collaboration. En quelques années il est devenu un des puissants prescripteurs du monde de la musique, au point d’être engagé par Apple.
Les tweets se pressent sous l’égide du hashtag « Thanks Zane » en référence à l’animateur de la BBC, Zane Lowe : des auditeurs à coup de « tu vas nous manquer » endeuillés, mais aussi des artistes comme Alt-J ou London Grammar qui le remercient de les avoir programmés quand ils étaient encore inconnus. Serait-il mort dans la nuit ? Loin de là, l’animateur est plus que jamais vivant: à 41 ans, l’originaire de Nouvelle-Zélande qui a gardé son accent kiwi a réalisé, jeudi 5 mars, sa dernière émission sur BBC Radio 1, avant de rejoindre la Californie ensoleillée d’Apple.
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Doté d’un puissant pouvoir de prescription, complice à la fois des artistes et des Anglais, célèbre pour son enthousiasme communicatif et sa capacité à dénicher des talents, il est devenu en moins de 20 ans un nom dans le paysage médiatique d’abord britannique, puis mondial au point d’interviewer en exclusivité Blur et Kanye West la même semaine. Retour sur une Success-Story toujours plus à l’Ouest, depuis Auckland, Londres et maintenant les Etats Unis.
All the best to an early champion of our music and all round good bloke @zanelowe on his last radio 1 show today #ThanksZane
— Δ (alt-J) (@alt_J) 5 Mars 2015
Le ton du cool
Tout commence aux débuts des années 2000, alors que la BBC Radio 1, spécialisée dans la musique et la jeunesse, a du mal à trouver le bon ton, trouble qui se reflète sur ses audiences. Au même moment, un Néo-zélandais, Zane Lowe débarque à Londres en 1997 alors que l’Angleterre est frappée par le mouvement trip hop. Il commence en tant qu’animateur sur la radio commerciale XFM et sur MTV où il animera l’émission de musique alternative culte Gonzo en 2002. Il y reçoit sur un canapé Arctic Monkeys, Queens of the Stone Age ou Kings of Leon en bermuda. Ca déconne, hurle, rigole dans tous les sens, et c’est exactement ce dont la BBC Radio 1 a besoin.
L’année suivante, il est donc engagé par la station, dont il chasse l’ambiance feutrée et bien trop polie dans une émission très rythmée de deux heures: désormais, à partir de 19h, la BBC troque son costume trop serré pour un baggy, un t-shirt délavé et beaucoup de jingles, dont le fameux « the hottest record in the world right now« . Il remporte progressivement l’adhésion des auditeurs et de la profession en décrochant quatre fois de suite le NME Awards de la meilleure émission de radio entre 2004 et 2008.
En une décennie, il est devenu le DJ – au sens de Disc Jockey, celui qui passe des disques – le plus célèbre et le plus puissant de Grande-Bretagne. Et ce sans passer par la case tabloïd : de lui on ne sait presque rien, excepté qu’il est marié depuis 13 ans et qu’il est père de deux enfants.
Oreilles à tubes
A la BBC, il apporte l’attitude du cool, mais aussi de nouveaux sons plus urbains et électro. A vrai dire, il en vient : au début des années 1990 dans son Auckland natal, il rappe avec son groupe Urban Disturbance. Plus tard, il écrit pour le groupe néo-zélandais Breaks Co-Op. Troisième casquette, celle de producteur : c’est lui qui est derrière l’album In The Lonely Hour Tour de Sam Smith qui a remporté une avalanche de Grammy il y a quelques semaines. Ce background fait que ses interviews sont moins celles d’un journaliste que d’un passionné : spontané, il ne prépare pas ses questions et discute plutôt qu’il n’interviewe, instaurant ainsi la confiance qui pousse les artistes à se livrer (les larmes de Kanye récemment). Une complicité qui lui a permis de rafler tous les titres et interviews exclusifs, depuis Florence and the Machine, Panda Bear ou Passion Pit ces derniers mois.
Tout le monde a défilé devant son micro, et beaucoup ont commencé dans son studio. Boulimique de musique, c’est le genre de personne à découvrir un titre obscur sur Soundcloud et le défendre le soir même dans son émission sur la troisième radio la plus écoutée du pays: en 2010, il décide de passer Spanish Sahara des Foals deux fois de suite (soit 15 minutes d’émission).
C’est lui qui a cru dans les Arctic Monkeys, Bloc Party et The Killers avant tout le monde, et plus récemment Chvrches, Royal Blood et Jake Bugg. Son éclectisme lui vaut d’ailleurs des reproches sur sa sincérité, comme s’il était suspect d’être aussi enthousiaste devant un titre de Keaton Henson puis de Skrillex. Ce n’est pas tout, en plus de découvrir des talents, il les protège parfois : en 2006, lors de la remise des prix du NME, il a sauvé la vie de Ryan Jarman des Cribs qui s’était blessé puis évanoui. De quoi préparer sûrement sa légende.
http://www.youtube.com/watch?v=wsYUkmVVfYs
Cap sur les Etats Unis
Avec une célébrité mondiale et un capital sympathie similaire à celle d’un Jimmy Fallon, Zane Lowe a pourtant annoncé qu’une sirène au nom d’Apple l’avait charmée et que BBC est lui, c’était fini (c’est Annie Mac qui le remplacera). Son rôle n’a pas encore été dévoilé, mais on imagine que ce sera un poste de directeur artistique à la tête du nouveau service de streaming, Beats Music. L’entreprise à la pomme a acheté l’entreprise 3 milliards de dollars en mai dernier. Un service qui devra compléter iTunes, à la traîne depuis l’arrivée des géants de la musique en ligne comme Spotify.
Zane Lowe y aura deux rôles : d’abord se servir de son carnet d’adresse en négociant des exclusivité (interviews ou album) et exercer son rôle de filtre, de « Super Curator » à l’échelle du monde. En 2012, il disait à l’Independant :
« Pour moi, quand tout est accessible, que l’information est disponible en un claquement de doigt, et que tu es saturé, alors tu as besoin d’un filtre, tu veux quelque chose qui facilite le tri. »
Il ne savait pas alors à quel point il avait raison : c’est exactement ce pourquoi Apple l’a délogé de son cocon londonien.
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