Multipliant adaptations et déclinaisons, l’industrie du jeu vidéo s’affranchit du cinéma dans une surenchère non dénuée d’humour et d’imagination.
Mais où est passé Bilbo ? Aucune trace d’une adaptation du film de Peter Jackson sur consoles, PC ou smartphones, pas même un pauvre niveau bonus d’Angry Birds ou un clone à moitié honteux de Bejeweled avec des têtes de hobbits et d’elfes à assembler par trois. Étrange, car l’industrie du jeu vidéo nous avait habitués à ne laisser passer aucun blockbuster ludiquement porteur, a fortiori quand sa date de sortie coïncide avec celle des fêtes de fin d’année – dans son livre Des pixels à Hollywood (2010), Alexis Blanchet note qu’entre 1975 et 2009, 507 films exploités en salles ont donné lieu à plus de 2 000 jeux.
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Et pourtant, donc, pas de Hobbit dans les rayons des magasins spécialisés à côté des (piteuses) adaptations des Cinq Légendes ou des Mondes de Ralph. Faut-il y voir une perte d’intérêt pour l’oeuvre de Tolkien ? Nullement : c’est même tout le contraire car Le Seigneur des anneaux, lui, n’en finit pas de voir son récit, ses personnages et son univers déclinés en jeux. Dans les semaines qui ont précédé la sortie du film de Peter Jackson, la branche jeux vidéo de Warner a ainsi lancé deux nouveaux jeux estampillés Le Seigneur des anneaux, plus une mise à jour du jeu de rôle en ligne du même nom, confirmant que les rapports entre les industries du cinéma et du jeu sont en train d’évoluer. Car ce n’est pas un cas unique. Des jeux Transformers et Spider-Man sortent tous les ans, que leurs héros s’invitent ou non sur le grand écran. James Bond est la star d’un 007 Legends façon best-of plutôt que d’un Skyfall vidéoludique. Warner, déjà, offrait l’été dernier en contrepoint à The Dark Knight Rises un jeu mettant certes en scène Batman, mais sous forme de personnage Lego. Comme si l’époque n’était plus à l’adaptation directe mais plutôt à la gestion de “franchises” dont il convient d’entretenir l’attractivité tout en ratissant aussi large que possible en termes de publics. D’où, sans doute, la multiplication des jeux Lego dont les amateurs les plus fervents n’ont a priori pas l’âge requis pour se délecter des films de Jackson ou de Nolan.
Le paradoxe est que, sur le plan ludique, cette victoire des stratèges marketing est tout sauf une mauvaise nouvelle car elle s’accompagne d’un appel à l’imagination des game designers. Que faire de nos amis les hobbits si l’on ne peut plus se reposer sur le film du moment ? La réponse est double avec, pour commencer, un pimpant Lego Le Seigneur des anneaux qui rejoue sur un ton semi-comique et enfantin la trilogie de Tolkien. En jonglant avec ses personnages – qui ont tous des capacités différentes –, le joueur casse des trucs, en fabrique d’autres et affronte une foule d’ennemis en plastique brillant. Comme dans Lego Star Wars, Pirates des Caraïbes ou Harry Potter, en somme, mais avec un entrain qui emporte l’adhésion. Vis-à-vis des romans, des films comme du jeu de rôle en tant que genre, ce qui se passe est de l’ordre du mime, de la fête costumée, du “on fait comme si”. Et tant pis si la recette n’est pas bien neuve : elle fait souffler un air rafraîchissant sur la route du Mordor.
Gardiens de la Terre du Milieu surprend quant à lui en s’essayant au Moba, sorte de jeu de stratégie en ligne simplifié mais ultra-dynamique se pratiquant à plusieurs dans des arènes. Oubliez l’intrigue : Le Seigneur des anneaux n’offre ici que son monde et ses personnages, mais le résultat se révèle finalement une bonne initiation au genre. Et vaut sans aucun doute largement un Bilbo le Hobbit – Le jeu, que les circonstances auraient contraint à rester collé au film.
Lego Le Seigneur des anneaux sur PS3, Xbox 360, Wii, PS Vita, 3DS, DS et PC (Traveller’s Tales/Warner), de 30 à 50 €
Gardiens de la Terre du Milieu sur PS3 et Xbox 360 (Monolith Productions/Warner), environ 15 € en téléchargement, 30 € en boîte (PS3)
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