Nikolaus Harnoncourt dirige avec brio une oeuvre mésestimée du roi de la valse. Si l’on sait Harnoncourt friand de viennoiseries, ses précédentes incursions dans la musique de Strauss n’avaient guère convaincu. Sa Chauve-souris battait de l’aile et ses valses semblaient conçues pour délasser un bataillon d’officiers prussiens. Harnoncourt au royaume de l’opérette, cela avait tout […]
Nikolaus Harnoncourt dirige avec brio une oeuvre mésestimée du roi de la valse.
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Si l’on sait Harnoncourt friand de viennoiseries, ses précédentes incursions dans la musique de Strauss n’avaient guère convaincu. Sa Chauve-souris battait de l’aile et ses valses semblaient conçues pour délasser un bataillon d’officiers prussiens. Harnoncourt au royaume de l’opérette, cela avait tout l’air d’une farce. Et voilà que notre homme se déride, que les rythmes s’ébrouent, que le style jaillit ? enfin comme si le chef autrichien avait à cœur, sur le tard, d’assouplir son Strauss au même titre que son Bach ou son Haendel. Le fait est là: ce Baron tzigane est mené d’une baguette naturelle et limpide, à la tête d’un Orchestre de Vienne où Harnoncourt officia jadis en tant que violoncelliste. L’esprit viennois – cette légèreté toujours un peu embuée, cette griserie triste -, reçoit les égards qui lui sont dus. Harnoncourt sait mieux que quiconque que le Baron tzigane n’est pas un pur divertissement à fanfreluches, mais un pan d’histoire culturelle et musicale (faut-il rappeler l’admiration nourrie par Brahms, Liszt, Schönberg, Berg, Webern envers Johann Strauss ?). A ce titre, il prend un plaisir audible à décrire la confrontation entre les mondes viennois et tzigane. Et à ficeler une distribution éloquente, où la gravité (Julia Hamari) et le raffinement (Herbert Lippert, Pamela Coburn) se mêlent aux numéros désopilants de Jürgen Flimm ou d’Elisabeth von Magnus. L’un, metteur en scène familier du maestro, l’autre, chanteuse abonnée aux messes de Mozart, se livrant à d’impayables galéjades. A côté de cela, on a droit aux scrupules musicologiques de rigueur: au terme d’un minutieux examen des manuscrits, Harnoncourt (associé à Norbert Linke) nous délivre quarante minutes de musique inédite, des parties vocales et instrumentales rectifiées, et diverses gâteries du même ordre – sans que l’élan primordial de la partition s’en trouve affecté. Tout juste pourrait-on déplorer la présence de dialogues parlés un peu longuets – mais ce serait s’exposer aux représailles de tous les inconditionnels de Strauss. On s’en fera donc une raison et l’on savourera le reste comme le grand accomplissement straussien que nous devait le chef depuis longtemps. Après tout, le Baron tzigane et le baron Harnoncourt (de son vrai nom Johann Nikolaus de la Fontaine et d’Harnoncourt-Unverzagt) devaient bien finir par s’entendre: noblesse oblige.
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