Mercredi soir, la Cour suprême, plus haute juridiction américaine, s’est prononcée en faveur des droits d’une jeune musulmane. Samantha Elauf s’était vue refuser une embauche en 2008 par la marque de prêt-à-porter Abercrombie & Fitch parce qu’elle portait le voile.
Grande adepte des standards de beauté et du culte de l’apparence, la marque Abercrombie & Fitch, a pour habitude de choisir ses vendeurs et vendeuses façon casting Elite. Hommes torses nus bodybuildés et femmes minces en tenues légères, l’uniforme Abercrombie se veut sexy et tout est fait pour que le client soit marqué par cette véritable institution du paraître. Stratégie commerciale d’ailleurs assumée par l’ancien PDG Michael Jeffries, fraîchement débarqué.
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Outre cet aspect plus que douteux, la griffe se retrouve en 2008 face à une impasse: Samantha Elauf porte un foulard noir. Une impasse car l’enseigne proscrit dans son règlement les chapeaux mais aussi la couleur noire sous peine de licenciement. Toute exception vestimentaire pourrait soi-disant avoir un impact négatif sur son image et ses ventes. Pourtant, il n’est écrit nulle part dans le règlement spécial Abercrombie que le foulard est proscrit.
La loi américaine interdit évidemment la discrimination religieuse à l’embauche, excepté si l’employeur prouve qu’il ne peut pas « aménager raisonnablement ». Or, dans ce cas de figure « la seule raison pour laquelle elle n’a pas été embauchée est sa conviction religieuse » assure le juge Samuel Alito, en poste à la Cour suprême.
La plainte déposée par Samantha Elauf à l’Agence gouvernementale pour l’égalité devant l’emploi (EEOC) trouvera peut être satisfaction. La jeune femme avait obtenu 20 000 dollars de dommages et intérêts en première instance, avant d’être déboutée en appel. Cette fois-ci, il semble que Samantha Elauf ait le vent en poupe. L’argument qu’elle avance, selon lequel Abercrombie ne pouvait pas ignorer qu’elle était musulmane, et aurait dû lui demander si elle était prête à s’accommoder, récolte l’adhésion du président de la Haute Cour, John Roberts. D’après lui, Abercrombie doit pouvoir aménager sa politique vestimentaire aux pratiques religieuses. Et la juge Ruth Ginsburg d’aller dans ce sens:
« S’il n’y a pas d’obligation pour une casquette de baseball, ils doivent le faire avec un foulard ».
En guise de réponse, l’avocat de l’enseigne, Shay Dvoretsky, affirme que de tel aménagements reviennent à écarter « Abercrombie d’une politique neutre au niveau religieux sur une simple suspicion ». De plus, pour Shay Dvoretsky, ce type de critère qui fait entrer en jeux le domaine du religieux débouche inévitablement sur des stéréotypes.
Sur les marches du palais de justice mercredi, la jeune musulmane, voilée, s’est exprimée à la fin de l’audience.
« Le respect de mes convictions religieuses ne doit pas m’empêcher d’obtenir un travail ».
Le verdict de la Cour attendu pour le début de l’été décidera si oui, ou non, Abercrombie & Fich est coupable de « discrimination religieuse ».
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