Où l’on découvre, grâce à Martin Meissonnier, que l’abandon de la hiérarchie et des cadences infernales accroît la productivité des entreprises. Un documentaire vivifiant.
Avec ce documentaire, Le Bonheur au travail, Martin Meissonnier semble prendre le contrepied de J’ai (très) mal au travail de son collègue Jean-Michel Carré. Il cherche à révéler ce qui, dans le monde de l’entreprise, rend la vie plus facile. Car on commence à remettre en cause le modèle hiérarchique rigide institué au XIXe siècle en Angleterre, inspiré par la discipline militaire. Aujourd’hui, le système est en voie de bouleversement. On évoque le concept d’“entreprise libérée” (“les employés ont la complète responsabilité de décider ce qu’ils jugent pertinent pour effectuer leur travail”).
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Dé-hiérarchisation
Le film montre, exemples à l’appui, que ce principe peut générer une forme de bonheur. Dans les meilleurs des cas (biscuiterie Poult à Montauban, équipementier automobile Favi en Normandie), les progrès de la productivité sont directement liés à une suppression totale ou partielle de la hiérarchie. Certains considèrent les cadres comme des parasites surpayés, qui ne font qu’entraver la marche des entreprises. Dans les entreprises dé-hiérarchisées, si ce n’est pas encore l’autogestion, on a tendance à aller dans ce sens. Les employés deviennent partie prenante de l’innovation et de la décision.
En Belgique, le gouvernement est lui-même un pionnier du décloisonnement de l’emploi. Notamment aux ministères du Transport et de la Sécurité sociale, cités en exemple, où les horaires classiques ont été abolis et où l’on privilégie le télétravail ; on ne raisonne plus en fonction du temps passé mais d’objectifs à atteindre. Ce qui, pour un syndicaliste interrogé, revient tout de même à promouvoir le travail à la tâche et rendre les employés corvéables à merci, en oubliant les réductions horaires obtenues après des années de lutte sociale. En effet, ces nouveaux concepts peuvent confiner à la démagogie et, dans certains cas, favoriser une surexploitation des employés, sous prétexte par exemple de supprimer le pointage.
Des entreprises finalement loin d’être libérées
Le film n’a finalement rien du tableau idyllique que semble induire son titre. Les effets pervers seraient encore plus sournois, d’après un autre intervenant, dans la Silicon Valley, où sous des dehors riants des entreprises soi-disant révolutionnaires intégrant les loisirs au cadre de travail – par exemple Facebook ou Google – sont loin d’être libérées ; elles renoueraient plutôt avec le système féodal : le patron tout-puissant trônant sur son magot, et les employés ne récoltant que des miettes.
Malgré tout, on sent que la bureaucratie de papa, avec ses petits chefs et sous-chefs, ses DRH et tutti quanti, est en voie d’obsolescence, remplacée par un personnel de base aux responsabilités accrues, et souvent intéressé aux bénéfices. C’est ce qui a permis à des sociétés comme Harley Davidson (Etats-Unis) ou Favi (France) de devenir des entreprises de pointe performantes, qui ont prospéré en dépit des crises économiques. Comme l’explique JeanFrançois Zobrist, fondateur de Favi, usine de fourchettes de boîtes de vitesse, qui exporte ses produits jusqu’en Chine, “la confiance rapporte plus que le contrôle”. CQFD.
Le Bonheur au travail, documentaire de Martin Meissonnier.
Mardi 24, 20h50, Arte
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