Fini l’homme-orchestre bonsaï et ses microchansons attachantes mais sans lendemain : sur cet album à l’excellence insolente, Katerine se révèle compositeur indispensable. A quoi bon déployer l’étal des petites mesquineries ordinaires où l’on simulerait les gestes d’un pesage impartial du bon et du moins bon : le nouveau Katerine est une merveille intégrale et cela […]
Fini l’homme-orchestre bonsaï et ses microchansons attachantes mais sans lendemain : sur cet album à l’excellence insolente, Katerine se révèle compositeur indispensable.
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A quoi bon déployer l’étal des petites mesquineries ordinaires où l’on simulerait les gestes d’un pesage impartial du bon et du moins bon : le nouveau Katerine est une merveille intégrale et cela ne souffre aucun marchandage. Jamais, jusqu’ici, un élève de l’école tricolore n’avait montré autant d’insolence, non seulement à l’égard de ses camarades de classe à la photo de fin d’année, ils paraîtront collectivement bien pâlots à ses côtés mais surtout à l’adresse des professeurs condescendants de la Chanson Française. On suggérera au passage à cette grande famille de handicapés avec ses Victoires de la musique-sanatorium et ses quotas-béquilles d’aller au plus vite en colonie respirer l’air de Nantes, comme d’autres vont boire l’eau de Lourdes, tant les miracles là-bas s’additionnent. Dominique A semblant tiré d’affaire, reste le cas Katerine dont la confidentialité n’a maintenant que trop duré. Le Philippe Katerine des bacs à sable, champion de la chansonnette élastique au Club Mickey de la pop française, mini-Gainsbourg faisant chanter ses mini-Bardot, a, disons-le tout net, cédé la place à un compositeur de génie. Au son des trompettes d’une future renommée certaine dans les catégories auteur, mélodiste, musicien, interprète, arrangeur s’annonce la plus formidable des parades jamais déballées par ici : un tourbillon trop leste et affranchi pour qu’on ait même le temps ou l’envie d’en répertorier l’origine. D’ailleurs, avec Legrand, Trénet et Salvador comme atouts, avec le joker João Gilberto et les as du easy-listening dans la manche, on ne serait même pas certain d’empocher la partie : Katerine les a tous défiés, domptés et amenés dans son jeu. Il est le maître incontesté d’un bluff époustouflant dont les poseurs d’étiquettes seront à coup sûr les principales victimes. Sur ce troisième album, pas une seule seconde où l’excellence n’ait été convoquée, pas même un moment où l’adresse cède le pas à la paresse, l’habileté à la facilité. Mais le pire, même au pays des Canaris du FC Nantes, serait de ne voir encore et toujours en Philippe Katerine qu’un drôle d’oisillon tombé d’un nid de dingos iconoclastes dont Rémi Bricka serait l’éternel tuteur. Car le paon affirmé et éblouissant qu’il est devenu en tant qu’instrumentiste, toujours prêt à hisser toutes les couleurs chamarrées que lui offre le spectre, est constamment ramené à la raison par le vent doux et léger de cette voix, expression subtilement ombrée de l’encre carrément noire de ses textes. Ce qui, hier encore, avait valeur de refuge frêle homme-orchestre, minimal et mal à l’aise, affichant une naïveté de circonstance et rêvant d’un monde trop grand pour lui est bel et bien cette fois réduit en cendres. Et si, désormais, le monde était trop petit pour Katerine ?
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