La semence novatrice de cet abum est si chargée de promesses que l’on pourrait sans se mouiller le présenter comme l’album de l’année 95. Et puisqu’il faudra forcément évoquer à son propos Massive Attack et Portishead, débarrassons-nous-en d’emblée : oui, Tricky est originaire de Bristol, comme les deux groupes précités. Mais il s’affirme déjà comme […]
La semence novatrice de cet abum est si chargée de promesses que l’on pourrait sans se mouiller le présenter comme l’album de l’année 95. Et puisqu’il faudra forcément évoquer à son propos Massive Attack et Portishead, débarrassons-nous-en d’emblée : oui, Tricky est originaire de Bristol, comme les deux groupes précités. Mais il s’affirme déjà comme le génie créatif le plus avant-gardiste de la mouvance. Si tel sample de Maxinquaye (Ponderosa) a déjà été entendu chez Portishead (Glory box), allez donc demander qui s’est inspiré de qui. Et si tel de ses morceaux (Overcome) sonne comme une relecture d’un titre du dernier Massive (Karmakoma), rien d’étonnant puisqu’il est, dans les deux cas, l’authentique maître d’oeuvre. Maxinquaye est un album insaisissable, qui s’offre et se dérobe, un jeu de miroirs hystérique qui se rit de nos émois. Une sorte de grand huit au rythme déglingué, offrant son compte de haut-le-coeur et de suspense, une « illusion de la confusion » s’appuyant sur le dérèglement des sens pour mieux déjouer les verrous intimes et imprimer son trouble en profondeur. Tricky peut bien se défendre d’en avoir orchestré la puissante charge érotique, la sensualité exsude à chaque minute, portée pour beaucoup par la voix angélique de Martina, sa muse de 19 ans. Les paroles ne reculent pas devant les évocations crues et sexuellement explicites. Le titre le plus grinçant, Strugglin, monument de claustrophobie paranoïaque ponctué de déclics de revolver, réussit un nouveau tour de force sur le registre de la folie. Quant à la transfiguration phénoménale du Black steel de Public Enemy en version punk-dub atmosphérique, elle restitue enfin de brillantes perspectives à la notion appauvrie de reprise. Maniaque du détail, Tricky est un révolutionnaire du son et un dangereux trafiquant de sens. A ce titre, son album se devait d’être un summum du paradoxe : à la fois pudique et indécent, terriblement impliqué et parfaitement détaché, mélodique et destructuré, expérimental mais incroyablement accessible et irrésistible. Un chef-d’oeuvre.
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