“J’étais heureux comme une truie dans la merde.” Le compliment, poétique, est extrait (avec une précision assez approximative) d’un vieux Libé, dans lequel Philippe Garnier rendait compte d’un concert des Del Fuegos. A sa lecture, on se souvient s’être senti pousser un début de groin, et avoir eu un grognement d’approbation. Les Del Fuegos aimaient […]
« J’étais heureux comme une truie dans la merde. » Le compliment, poétique, est extrait (avec une précision assez approximative) d’un vieux Libé, dans lequel Philippe Garnier rendait compte d’un concert des Del Fuegos. A sa lecture, on se souvient s’être senti pousser un début de groin, et avoir eu un grognement d’approbation. Les Del Fuegos aimaient le rock’n’roll comme Dillinger les banques ou Mike Tyson les reines de beauté : à la folie, mais sans ménagement. Le chanteur (et compositeur principal), Dan Zanes, avait l’arrogance caoutchouteuse du jeune Jagger s’emparant des studios Chess de Chicago, du Van Morrison rustaud et irascible de Them. Ses acolytes passaient à tabac leurs classiques. Musique d’un autre âge, les Del Fuegos, anachronisme flamboyant, ne firent pas long feu. L’oubli, puis, récemment, en couverture du magazine anglais Mojo, un Richard Thompson épanoui, juste derrière un Elvis Costello hilare. Chacun brandit son disque de l’année : Ron Sexsmith pour le binoclard, Cool down time pour le musulman barbu deux albums produits par Mitchell Froom. Pas très ramenard, l’album de Dan Zanes. Dilapidé, l’héritage bostonien (les Del Fuegos vénéraient leurs héros locaux, les Remains, Lyres et Modern Lovers). Sur Cool down time, la hargne fait place au vague à l’âme. Tempo élastique, harmonies maigrelettes, instrumentation lacunaire : l’album adopte le rythme bringuebalant sur lequel déambulaient les pieds nickelés de Down by law. La fière cité du rock’n’roll est devenue ville fantôme, portes et fenêtres grincent sous l’effet d’un capricieux vent d’été. On entrevoit quelques valeureux vétérans le Tom Waits de Rain dogs, un John Hiatt indolent, un Keith Richards enroué. Pas question pourtant de maison de retraite : chaque touche instrumentale fait mouche, le moindre écho résonne d’entêtante façon. A New York, un producteur fidèle (Mitchell Froom était de tous les disques des Del Fuegos) aide un chanteur de Boston à recréer les mystères de La Nouvelle-Orléans et les enrobe d’un voile d’orgue venu de Los Angeles via les Doors. La géographie incertaine et mouvante du rock américain n’en finit décidément pas d’être fascinante.
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