Le disciple d’Olivier Messiaen, Roger Muraro, exalte son œuvre ornithologique, corpus majeur loué par Boulez et Stockhausen. Comment se déplace le traquet stapazin en bordure des routes de la Côte Vermeille ? Comment distinguer les volatiles hantant les marais et les points d’eau de Sologne ? Où trouve-t-on exactement le chocard des Alpes ? De […]
Le disciple d’Olivier Messiaen, Roger Muraro, exalte son œuvre ornithologique, corpus majeur loué par Boulez et Stockhausen.
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Comment se déplace le traquet stapazin en bordure des routes de la Côte Vermeille ? Comment distinguer les volatiles hantant les marais et les points d’eau de Sologne ? Où trouve-t-on exactement le chocard des Alpes ? De quelles teintes sont serties les plumes du merle de roche ? Les réponses à ces questions, comme à bien d’autres, on les trouvera consignées dans l’immense corpus du Catalogue d’oiseaux, entrepris par Olivier Messiaen entre 1956 et 1958. Il fallait bien fixer ces longs moments consacrés à l’observation, organiser cette vie grouillante intériorisée. Près de trois heures de musique tempérée allaient voir le jour : sept livres de treize pièces conçus en arche avec, comme clé de voûte, le portrait de la rousserolle effarvatte. Des morceaux oscillant entre 5 et 30 minutes dont les titres apportent finalement peu de repères identitaires, tant les héros à plumes qui en donnent le nom sont rejoints par une peuplade d’autres créatures. Un véritable tour de force compositionnel, moins rigoriste que les Modes de valeurs et d’intensité mais qui frappa tout autant l’avant-garde de l’époque. Boulez et Stockhausen ont été les premiers à louer la contribution du merle et de l’alouette. Quand la chouette hulotte s’abandonne, c’est une sonorité blanche de cordes pincées qui s’évapore ; quand le loriot ouvre le bec, c’est une cascade de cris qui s’échappe de la table de l’instrument.
Particulièrement exigeant, tant pour l’interprète que pour l’auditeur, le Catalogue est loin de se résumer à une fresque coloriste extravertie comme les Oiseaux exotiques. Il faut s’y coller longuement pour décrypter la richesse de la peinture naturaliste et la transcription savante dans le monde de l’harmonie et de l’écriture pianistique. Elève d’Yvonne Loriod-Messiaen, qu’on vient d’entendre à Pleyel dans la Turangalilâ-Symphonie, Roger Muraro est non seulement un musicien d’une trempe exemplaire (il restitue sur scène les grands corpus pianistiques comme les Tableaux d’une exposition de Moussorgski avec une énergie brute assez rare), il est aussi l’un des tout premiers interprètes de Messiaen. Après avoir bouclé sans la moindre faiblesse les Vingt regards sur l’Enfant Jésus, il emporte tous les suffrages dans ce triple album. Par la moindre de ses touches enfoncées, par l’infaillibilité de ses attaques, par les vibrations longuement mûries, il guide en maître l’auditeur, parfois isolé comme un aveugle, et que rassurent ces branches tendues, peuplées de créatures invisibles.
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