En Angleterre, en Suède et au Canada des collectifs féministes demandent la détaxation des protections hygiéniques, toujours pas considérées comme des biens de première nécessité. Qu’en est-il en France ?
L’Angleterre se déchire autour d’un tampon et d’une serviette hygiénique. Ces protections hygiéniques indispensables aux femmes sont classées dans la catégorie des « biens non-essentiels, de luxe », et à ce titre elles sont soumises à une TVA de 5%, alors qu’un steak de crocodile par exemple n’est pas taxé. Cherchez l’erreur. C’est cette réalité aberrante qui a conduit un collectif à lancer une pétition en 2014 en Angleterre pour leur détaxation. Aujourd’hui elle a obtenu plus de 160 000 signatures, et se répand encore sur les réseaux sociaux (sous le hashtag #tampontax).
Au Canada, une campagne similaire a été lancée, « No tax on tampons », tandis qu’en Suède les médias ont consacré 2014 « année des règles » tant le tabou n’est plus. La jeune vidéo blogueuse suédoise Clara Henry, très suivie, revendique même le remboursement par la sécu des serviettes et tampons, qui d’après ses calculs lui couteront 5800 euros d’ici ses cinquante ans. Avec ce tabou, c’est une pierre de l’édifice des inégalités hommes-femmes qui tombe. Preuve en est le point de départ de la campagne britannique : « Une des raisons pour lesquelles cette pétition a été lancée, c’est qu’à l’inverse des tampons et des serviettes hygiéniques, les rasoirs pour homme sont considérés comme des produits de première nécessité », relève Anne-Cécile Mailfert, porte-parole d’Osez le féminisme (OLF).
« De fait c’est un produit de première nécessite »
De quoi ravir les associations féministes. Mais qu’en est-il en France, où serviettes comme tampons sont taxés à 20% de TVA, alors que les sodas – loin d’être de « première nécessité » – bénéficient du taux réduit à 5,5% ?
Le collectif Georgette Sand s’est illustré en 2014 par une campagne menée via un tumblr sur les différences de prix entre les produits pour hommes et pour femmes. Les autorités publiques ont depuis pris en compte cette « taxe rose » : un rapport sera remis par le gouvernement au parlement au plus tard le 30 septembre sur ses conséquences. A cette occasion, le collectif avait traité à la marge du sujet des règles, déjà sous l’angle économique : « L’un des premiers posts de notre tumblr était consacré aux coupes menstruelles, se souvient Géraldine Franck, membre du collectif. On souhaitait mettre en avant le fait que c’était un produit très peu connu, donc très peu commercialisé, alors qu’il a des avantages notoires du point de vue économique – ça coûte en moyenne 20 euros et on peut la garder 10 ans -, et écologique puisqu’il n’y a plus de production de déchets ».
L’idée de détaxer serviettes et tampons ? Géraldine Franck y est évidemment favorable, et va même plus loin : « Le premier pas devrait consister à baisser le taux de TVA au même niveau que les produits de première nécessité, car de fait c’en est un. Je trouve qu’il serait aussi intéressant d’avoir plus de dispositifs qui permettent aux femmes en situation précaire d’y accéder plus facilement ». Le collectif Georgette Sand vient d’ailleurs de lancer une pétition destinée à être adressée à Michel Sapin demandant que la TVA sur les protections périodiques passe « a minima de 20 à 5,5% ».
Pour Géraldine Franck, qui travaille dans un centre médico-social, il est frappant de constater l’impossibilité de mettre à disposition gratuitement ces produits d’hygiène. En 2013 l’Américaine Nancy Kramer avait lancé une campagne pour la gratuité des tampons dans les toilettes publiques notamment. Elle s’interrogeait alors en ces termes : « Qui a décidé que le papier toilette était gratuit et pas les tampons ? Les serviettes en papier, le savon, les couvre-sièges sont gratuits et pas les tampons ? » Pour Anne-Cécile Mailfert, « sa réflexion est très juste : pour une femme ça peut être très compliqué d’être en rade de tampon ou serviette quand on est à l’extérieur. Les restau et autres entreprises devraient y réfléchir ».
Qui a décidé que dans les toilettes publiques le PQ serait gratuit et pas les tampons? #tampontax http://t.co/McRfbynETO
— Anne-Cécile Mailfert (@AnneCMailfert) 20 Février 2015
« Les marques contribuent à l’auto-culpabilisation des femmes »
Du côté d’Osez le féminisme, on prépare une campagne sur le sujet, mais en abordant encore un autre versant du problème : les stratégies marketing déployées par les marques pour vendre ces produits. « On a du mal à dire qu’il faut baisser la taxation sur ces produits là, quand on voit que les marques contribuent à renforcer ce tabou dans notre société, et à l’auto-culpabilisation des femmes », explique la porte-parole du mouvement Anne-Cécile Mailfert. Dans son viseur, l’invention des tampons et des serviettes hygiéniques parfumés, qui suggère que les femmes devraient se sentir sales et peu désirables quand elles ont leurs règles.
« Notre campagne ne visera donc pas seulement à dire qu’il faut détaxer ces produits, mais que ces parfums peuvent contenir des produits extrêmement néfastes pour le corps des femmes, ce dont on ne se préoccupe pas beaucoup pour le moment », conclut la porte-parole d’OLF.
Depuis quelques temps, on parle en tout cas plus librement des règles, qui semblaient être le tabou ultime. En 2014 pour la première fois une publicité faisait ostensiblement figurer une tâche rouge sur une serviette hygiénique, et pas un liquide bleu. Réalisme salutaire, quand certains garçons pensent jusqu’à leur adolescence que les règles des filles sont de couleur azur.