Gardes champêtres. Trois albums et un duo de vagabonds pour un hommage au bluegrass, et plus particulièrement au pionnier Bill Monroe. Bluegrass Ici, c’est le Kentucky, Etat esclavagiste qui, durant la guerre de Sécession, n’en resta pas moins fidèle à l’Union. Voilà qui en dit long sur ces montagnards rigides, voire austères, mais aussi ultralégalistes. […]
Gardes champêtres. Trois albums et un duo de vagabonds pour un hommage au bluegrass, et plus particulièrement au pionnier Bill Monroe.
Bluegrass
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Ici, c’est le Kentucky, Etat esclavagiste qui, durant la guerre de Sécession, n’en resta pas moins fidèle à l’Union. Voilà qui en dit long sur ces montagnards rigides, voire austères, mais aussi ultralégalistes.
Et qui lève le voile sur le bluegrass, musique de virtuosité et de codes, d’académisme et d’arabesques, version raffinée de la hillbilly-music, chère à la tradition rurale blanche américaine. Le parrain du genre, Bill Monroe, en constitue l’archétype : approche ébouriffante de la mandoline, inspiration rurale et quotidienne, nourrie du Sud profond, et surtout tentation permanente du clair-obscur. L’évolution de ces paysages agricoles (ici aussi, l’exode rural a frappé sans discernement) et les turbulences de sa vie privée eurent pour fruits des compositions étonnamment dépressives, voire morbides. L’hommage qui est rendu à Monroe dans True life blues par la crème de la scène bluegrass actuelle, dont Jerry Douglas et Peter Rowan réinstalle en pleine lumière les talents d’un créateur, que la version électrifiée de son Blue moon of Kentucky par Presley ulcérait au plus haut point.
Chauffeur, roadie, puis chanteur-guitariste de Bill Monroe And His Bluegrass Boys, Peter Rowan n’a jamais accepté le carcan du dogme, croisant successivement les routes musicales de Jerry Garcia, Janis Joplin ou Steve Earle. Bluegrass boy reste néanmoins nimbé de la bienveillante influence de Monroe, dans une légèreté de vastes horizons et la pureté d’un classicisme instantané.
Pourtant, cette orthodoxie quatre étoiles ne supporte que difficilement la comparaison avec Yonder, pure merveille : duo basique (dobro/mandoline), enregistré sur « les meilleurs micros du monde » (Neuman à tube), afin de conserver ce bon vieux son de salle à manger, la paire Douglas/Rowan offre une plongée sépia vers ces années 20 et 30, où la musique était une composante quasi ménagère du quotidien, et où on se souciait bien peu de savoir où commençait la country et où s’achevait le blues. Et l’évocation de fêtes débridées, impromptues et à dimension humaine, enrichit bien davantage qu’un banal passéisme. Comme toutes les créations d’apparence modeste l’instrumentation décharnée, le dénuement de l’inspiration mais proches de l’os, cet album enthousiasme par son humanité, sa sensibilité. Qu’ils revisitent la Carter Family, Jimmie Rodgers ou les propres compositions de Rowan, les deux Américains s’attachent avant tout à être simples et honnêtes. Ils parviennent ainsi à la perfection de la forme (deux instrumentistes qui jouent au chat et à la souris avec une infinie tendresse) et à celle du fond : la nostalgie inhérente au genre s’accompagne d’une totale quiétude. Mais avant tout, Yonder est un disque de silences, ou plutôt d’espaces entre les notes, qu’on comblera à son aise, par des poussées d’imagination (comme on dit d’une poussée de fièvre), entre deux arpèges. Un peu de l’air frais des grands espaces.
Various Artists, True life blues, The Songs of Bill Monroe ; Peter Rowan, Bluegrass boy ; Jerry Douglas & Peter Rowan, Yonder (tous chez Sugar Hill/Dixiefrog)
Christian Larrède
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