On s’était juré un été radieux : on le passera pourtant avec la mélancolie des immenses Scud Mountain Boys. Sub Pop, ou l’histoire d’une incompréhension : label tout à fait surestimé alors que le pavillon grunge flottait sur la Space Needle de Seattle, Sub Pop passait alors pour le laboratoire bruitiste le plus audacieux, le […]
On s’était juré un été radieux : on le passera pourtant avec la mélancolie des immenses Scud Mountain Boys.
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Sub Pop, ou l’histoire d’une incompréhension : label tout à fait surestimé alors que le pavillon grunge flottait sur la Space Needle de Seattle, Sub Pop passait alors pour le laboratoire bruitiste le plus audacieux, le plus passionnant. Grossière erreur de jugement, qui fit gober au rock, ébahi, n’importe quel déchet nirvanesque, n’importe quel poilu à guitare butée. Aujourd’hui que les plages de Seattle commencent enfin à se remettre de la marée noire, plus personne ne s’intéresse à Sub Pop autre grossière erreur. Car depuis que les cars de touristes ont déserté le rock de Seattle, Sub Pop a réussi une remarquable reconversion, flirtant avec un easy-listening poilant grâce aux Friends Of Dean Martinez, avec le rock symphonique à l’occasion du grandiose It’s heavy in here d’Eric Matthews ou avec une douceur amère et déchirante sur le fantastique Massachusetts, nouvel album des Scud Mountain Boys. Du Massachusetts, on ne connaissait que la vieille scie rouillée des Bee Gees : du coup, on s’imaginait un Etat peuplé de femmes à barbe, de Demis Roussos anorexiques. Salauds, les frangins Gibb, qui ont failli nous faire passer à côté d’un album aussi rare et précieux, qui a déjà réservé la platine pendant une bonne partie de l’été. Pourtant, on s’était promis un été radieux, où on ne partirait pas en vacances avec Palace, où on ne se laisserait pas entraîner au fond par Mazzy Star, où on irait même peut-être en Espagne, mais sans Spain. On rêvait de buller en hamac avec Beck et voilà qu’on chantonne « On se soûle la gueule et on compte les lumières floues » ou une entrée en matière sans ambages : « On l’a retrouvée morte/Dans une mare. » On rêvait du grand bleu, c’est le grand blues dans lequel on se vautre. Guerre éclair : à peine vingt secondes dans le premier et troublant In a ditch pour savoir qu’on capitulera, ravis de retrouver cette country-folk velvétienne (Van drunk), jamais aussi élégamment jouée depuis les Weather Prophets ou leur père, Gram Parsons. Car ici, un homme sait écrire : Joe Pernice, porte-parole des cœurs irréparables, de l’alcool mauvais, des histoires de vilaine dope toutes histoires jamais filmées à la Louma. Pas la déchéance chic de Trainspotting, ces junkies de cowboys. Scénario en or, mais mise en scène jamais chiche : loin du désert, ces histoires se déroulent au coin d’un piano poignant, de guitares câlines, d’un son rond et hospitalier. Que ceux que la misère instrumentale de Palace repousse se rassurent : les Scud Mountain Boys reçoivent avec coussins, chaleur et humanité. C’est bien entendu le danger fatal de cet album, capable de prendre en otage toutes les humeurs du moment avec un air bonhomme et accueillant. Les dernières fois qu’on s’était à ce point fait prendre au piège des apparences des chansons aux airs aussi classiques ne sauraient être aussi vicieuses et empoisonnées , c’était avec le sublime album solo de Chris Bell, qui avait alors gardé pour lui toute la douce mélancolie de Big Star. Et si, cet été, on partait s’installer en plein Massachusetts ?
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