Surprise partum. Revenus les mains pleines de Fou à lier, les Innocents n’en font enfin qu’à leur tête : charmante et sans béret. On entendra certainement parler, à propos du troisième album des Innocents, de maturité, de mûrissement et autres poncifs jaillis du même tonneau creux. Il suffit pourtant d’observer leurs tempes majoritairement grisonnantes pour […]
Surprise partum. Revenus les mains pleines de Fou à lier, les Innocents n’en font enfin qu’à leur tête : charmante et sans béret.
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On entendra certainement parler, à propos du troisième album des Innocents, de maturité, de mûrissement et autres poncifs jaillis du même tonneau creux. Il suffit pourtant d’observer leurs tempes majoritairement grisonnantes pour comprendre que Les Innocents sont matures depuis longtemps et que c’est précisément de cette foutue maturité qu’ils tentent cette fois de se défaire. Avec Fou à lier, leur précédent album cousu d’or et de fil blanc, ils lâchèrent les Poulidor qui sommeillaient en eux dans l’ascension vers les cols très convoités des hit-parades : une grimpette aussi rapide qu’étourdissante, qui laissa chacun avec ce sentiment gênant d’admiration polie teintée d’un relatif agacement. Une poussée de fièvre dont ils furent les premiers surpris : leur simili-pop gonflée aux anabolisants trouvait un écho chez les trentenaires férus d’exploits sportifs et de sonorités bien dégagées autour des oreilles. Les Innocents, qui avaient préalablement trébuché dans leur Cent mètres au paradis, devenaient soudainement matures aux yeux de tous, de cette maturité ronronnante qui plaît tant aux programmateurs radio. Mais en faisant péter ses objectifs, le groupe faillit bien, pour cause de surrégime, se claquer violemment une artère. La gloire qui a chopé au vol le train-train des Innocents aurait d’ailleurs pu les laisser à quai, les mains pleines mais les pieds rivés au ballast. Post-partum, cet état d’euphorie tempéré par l’angoisse qui succède à l’accouchement, équivaut à ces lendemains d’orgies irraisonnées, lorsqu’on sait qu’il faudra des heures pour tout remettre en ordre et renouer un semblant de dialogue avec soi-même. Alors, pour une fois, Les Innocents laissent agir leur nature, exhibent sans fard leurs composants génétiques des Beatles à Crowded House , apprennent en temps réel à gommer leurs tics, livrent sans calcul un disque où domine une douce tristesse, des sons de guitares pointilleux et magnifiques, des textes prudemment sobres, le tout enrobé sous le voile fragile d’une production domestique enfin digne d’eux. Avec Un Monde parfait se profile un tube qui pourrait cette fois contenter aussi bien Le Doc que Lenoir, tandis que Lune de lait ou Dentelle les placent d’emblée sur nos plus précieuses tablettes, non loin des Duffy et autres grands pourvoyeurs de délicatesses. Après l’Affaire Louis Trio, l’arrière-garde discrète de la pop française échappe farouchement au vieillissement programmé et nous laisse béats d’admiration.
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