Après des années passées auprès des gros calibres de la variété, Sally Nyolo signe un premier album thérapeutique. Son nom a longtemps figuré au générique d’albums peu vantés dans ces colonnes. Ceux de Jacques Higelin et de Nicole Croisille notamment. Sally Nyolo a fait le métier de choriste dans l’ombre de quelques vieux éléphants de […]
Après des années passées auprès des gros calibres de la variété, Sally Nyolo signe un premier album thérapeutique.
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Son nom a longtemps figuré au générique d’albums peu vantés dans ces colonnes. Ceux de Jacques Higelin et de Nicole Croisille notamment. Sally Nyolo a fait le métier de choriste dans l’ombre de quelques vieux éléphants de variété française, gagnant sa vie au risque consenti de perdre dans l’affaire un peu de sa fraîcheur. Mais cette Camerounaise installée à Paris depuis qu’elle a 13 ans appartient à l’espèce paradoxale de celles qui, loin de laisser se diluer leur héritage culturel dans les vapeurs émollientes du showbiz, profitent des circonstances données pour en protéger les secrets et en raffermir le souvenir. Ainsi sur cet album, Sally nous apparaît comme au premier jour d’une vie artistique, comptant pourtant de très nombreux et variés chapitres, parmi lesquels on retiendra sa collaboration avec Zap Mama et sa participation à la bande originale du film Brooklyn boogie en connivence avec Spearhead. Tribu est le titre le plus court et le plus éloquent que la chanteuse pouvait adopter, une manière d’annoncer le recentrage qu’elle opère autour d’une langue, l’eton, d’un chant, caractéristique des zones équatoriales de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, et d’un univers dont on ressent à l’oreille tout ce qu’il a de séculaire mais aussi de remarquablement clair. Claire comme peut l’être une société où chacun, homme, femme, ancien, tient son rôle, mais où personne n’est exempt d’interrogations. Les chansons écrites de sa main reposent sur des certitudes ancestrales (la tribu, la mémoire, la mort) et sur des doutes métaphysiques dont les fils tissent un à un la beauté captivante d’un disque où le temps n’est pas une valeur fiable, où la modernité se réduit à l’intervention plutôt accessoire d’instruments électriques, d’ailleurs souvent trop mis en avant. Musiques et voix, lorsqu’elles sont nues, possèdent en effet un pouvoir hypnotique auquel il est difficile de ne pas succomber et que leur donnent ces boucles répétitives semblant vouloir à tout prix forer l’opacité qui obstrue le cœur des hommes et décanter l’eau trouble de leur esprit. Sally Nyolo se présente ici moins comme une artiste de world-music que comme une guérisseuse avec son cortège d’incantations et ses vieilles recettes de soin par les plantes. Sur Meguem, clôturant l’album, elle fournit avec détails la formule pour guérir des amygdales à la traditionnelle. Et même non remboursé par la Sécu, ce disque soulage bien d’autres maux.
Francis Dordor
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