Il suffit parfois d’un rôle pour qu’un acteur gagne à jamais le privilège de ne jamais être oublié. Ce rôle pour Louis Jourdan, c’est justement celui d’un garçon qu’on n’oublie pas. Dans Lettre d’une inconnue de Max Ophüls (1948), de la puberté au trépas, une jeune femme (la merveilleuse Joan Fontaine, disparue il y a […]
Il suffit parfois d’un rôle pour qu’un acteur gagne à jamais le privilège de ne jamais être oublié. Ce rôle pour Louis Jourdan, c’est justement celui d’un garçon qu’on n’oublie pas. Dans Lettre d’une inconnue de Max Ophüls (1948), de la puberté au trépas, une jeune femme (la merveilleuse Joan Fontaine, disparue il y a quelques mois) va vouer sa vie à l’aimer et il n’en saura rien, trop occupé à séduire toujours d’autres femmes, qu’il oubliera sitôt conquise, dans un principe d’infernale répétition dont il ne comprendra que trop tard qu’il était mortifère. Ce beau Narcisse aveugle aux autres imaginé par Stefan Zweig, Louis Jourdan, sous la caméra enivrée d’Ophüls, va lui donner une délicatesse teintée d’amertume, une légèreté cruelle, absolument saisissantes. Il a 27 ans, était le French lover en vogue à Hollywood. Il trouve là son plus beau rôle, n’en connaitra pas tellement de marquants par la suite.
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Issu de la bourgeoisie commerçante du sud est de la France (son père fut directeur du Grand Hotel à Cannes), il devient le jeune premier dont toutes les jeunes filles rêvent, à tout juste vingt ans, dans un des plus grands succès du cinéma français sous l’occupation, la charmante comédie romantique Premier Rendez-vous d’Henri Decoin (1941). Tout en décontraction zazou, demi-sourire candide et mêche savamment gominée, il y fait la cour à la star n°1 de l’époque, Danielle Darrieux. Dans la foulée, toujours casté en séducteur, il donne la réplique à tout le gotha féminin du cinéma français : Gaby Morlay (L’Arlesienne, 1942), Odette Joyeux (Les petites du quai aux fleurs, 1944), Micheline Presle (Félicie Nanteuil, 1945).
C’est Alfred Hitchcock qui lui fait traverser l’Atlantique pour lui faire interpréter dans Le procès Paradine (1947) le rôle sulfureux d’un valet soupçonné d’avoir tué son employeur et couché avec sa femme. Installé à Hollywood, il trouvera des emplois réguliers pendant plus de quarante ans. Parfois avec de grands cinéastes : deux fois Minnelli (Madame Bovary, 1949, puis Gigi, 1958) ; Jacques Tourneur (La Flibustière des Antilles, 1951) ; Billy Wilder (il est le narrateur dans Irma la douce, 1963).
La fin de sa carrière prend un tour un peu bis. Parfois avec éclat puisqu’il joue un scientifique malfaisant dans La créature du Marais de Wes Craven. Il joue également un méchant dans un James Bond (le retors prince afghan Kamal Khan dans Octopussy, 1983), un méchant dans un épisode de Columbo (1978) puis dans Drôles de dames (1980). Mais depuis plus de vingt ans, il avait quitté l’écran. Il vient de s’éteindre à Beverly Hills, le 14 fevrier dernier, à l’âge de 93 ans.
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