Cinq garces à l’humour vitriolé prennent les charts par les bourses et montrent l’exemple aux filles d’avenir. En sismologie, on appelle ça les aftershocks, les répliques. Des soubresauts de la terre qui, des heures, des mois ou des années après une secousse tellurique, viennent achever le travail, emporter ce qui ne l’avait pas été par […]
Cinq garces à l’humour vitriolé prennent les charts par les bourses et montrent l’exemple aux filles d’avenir.
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En sismologie, on appelle ça les aftershocks, les répliques. Des soubresauts de la terre qui, des heures, des mois ou des années après une secousse tellurique, viennent achever le travail, emporter ce qui ne l’avait pas été par la première vague. Ça frappe là où on ne l’attend pas, comme un écho aussi lointain que sadique. Ainsi, ne jamais négliger le triomphe d’une femme intelligente dans les charts : on ne sait jamais ce qu’emporteront chez nous les aftershocks. Il suffisait d’entendre récemment la troublante Chan Marshall de Cat Power jurer s’être mise à la musique en chantonnant Like a virgin de Madonna pour constater l’incroyable chemin parcouru par cette onde de choc, de la surface de la terre jusqu’aux tréfonds de l’underground. Malheureusement, pas d’échelle de Richter pour mesurer les conséquences du triomphe des Go-Go’s sur l’Amérique actuelle, aucun appareil pour prévoir les répercussions attendues du succès ahurissant des cinq garces de Spice Girls. Tout ce qu’on peut dire pour l’instant, c’est que cette secousse ravit : alors que les charts devenaient gluants à force de R&B à la correction exaspérante, clinique, voilà un Club des Cinq tout à fait imprésentable à la Bibliothèque Rose, fauchant vos bouteilles, vidant vos poches, draguant vos pères, dansant avec une vulgarité si drôle qu’elle pourrait avoir raison du pacemaker de votre grand-oncle. Le plus jouissif étant de savoir déjà que Melanie B, Melanie C, Victoria, Gerri et Emma serviront de tuteurs sacrément tordus à l’éducation de jeunes filles ainsi sauvées de la mièvrerie anesthésiante des histoires d’amour telles que racontées par MTV : sur le bord d’une piscine, sur le capot d’une limousine, dans les draps satin d’une villa californienne. Les Spice Girls le savent : à 20 ans, on a quand même plus de chance de se faire piocher sur la banquette arrière d’une Ford Escort, dans les draps souillés d’une chambrette de l’East End, à la rigueur dans les vestiaires d’une piscine overdosée de chlore d’une école mixte de Croydon. Ici, pas la moindre trace de ce mirage fleur bleue, pas un seul maaaaake loooooove vomitif. Avec la forfanterie d’authentiques gourgandines, les Spice Girls jamais ne chantent leur monde avec les épouvantables lunettes roses du new-jack. Ici, on parle de ce qu’on connaît : les fringues Top Shop, les discothèques douteuses où on danse autour de son sac à main, la course pour attraper le dernier bus de banlieue, tous thèmes plus habituels chez Pulp que chez Salt N’Peppa. On pourrait se contenter de remercier les Spice Girls comme leurs cousines américaines de TLC pour les vocations qu’elles ne manqueront pas de stimuler, pour avoir mis un peu de couleur et de boxon dans les charts. Mais ce serait oublier un peu vite de féliciter sans le moindre effort de provocation puérile à la Bayon et sans le moindre reniement à d’autres engagements, que ce soit pour Palace, Aphex Twin ou Diabologum ce songwriting habile, qui fait de Wannabe l’un des singles les plus excitants de l’année. Pour éduquer nos enfants, on choisira sans hésiter ces filles au pair, leur humour, leur canaillerie, leur miel enivrant et leur réalisme sec. Quitte à les transformer, un rien libidineux, en filles au père.
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