La danse des gueux. L’histoire de la musique jamaïquaine et sa rencontre avec la turbulente jeunesse anglaise. En deux fabuleux volumes. La génération Doc Martens l’ignore peut-être, mais la coquetterie paradoxale consistant à chausser des croquenots de chantier pour aller danser trouve ici ses origines. A la fin des années 60, les quartiers populaires d’Angleterre […]
La danse des gueux. L’histoire de la musique jamaïquaine et sa rencontre avec la turbulente jeunesse anglaise. En deux fabuleux volumes.
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La génération Doc Martens l’ignore peut-être, mais la coquetterie paradoxale consistant à chausser des croquenots de chantier pour aller danser trouve ici ses origines. A la fin des années 60, les quartiers populaires d’Angleterre se réveillent avec des bandes de skinheads à chaque coin de rue. A l’inverse des Mods, ceux-là ne cherchaient pas à dissimuler leurs origines en se réfugiant dans un dandysme canaille. Ils faisaient l’aveu de leur extraction prolétarienne par un choix vestimentaire fonctionnel, sans affectation. Leurs penchants nationalistes et la passion raciste leur chatouillant la tripe ne les empêchaient nullement d’adopter pour musique celle des émigrés jamaïquains avec lesquels ils partageaient les logements sociaux des périphéries urbaines. L’essor que connut alors l’industrie du disque en Jamaïque s’explique par la confluence de ces deux marchés, la diaspora caribéenne et cette frange turbulente de la jeunesse anglaise. Restait à poser le pipeline qui allait permettre de canaliser la production des studios de Kingston vers les boutiques de Brixton ou Shepherd’s Bush. Ainsi Trojan fut créé pour diffuser en Angleterre l’essentiel des références éditées par les principaux labels locaux comme High Note, Island (qui devint indépendant après que Chris Blackwell se fut ouvert au rock) et Treasure Isle que dirigeait Duke « The Trojan » Reid, le plus illustre, avec Sir Coxsone, des animateurs de sound-systems. Dès lors, toutes les tendances de la musique jamaïquaine ska, blue-beat, rock-steady, reggae et ses succès les plus mémorables ont été estampillés de l’étiquette orange et blanche. Ce qui fait de ces deux recueils, présentés sous la forme de CD-books, avec l’histoire contée par le menu et un total de cent huit titres répartis sur quatre disques et deux volumes, la plus exhaustive des compilations jamais réalisées.
Ceux qui possèdent déjà Tougher than tough, the story of Jamaican music pourront toujours objecter qu’il existe de nombreux recoupements avec l’exemplaire coffret édité par Island voilà trois ans. Et que, s’agissant des quinze dernières années, la moisson réalisée par Trojan est sensiblement inférieure à ce qu’a pu récolter Chris Blackwell. Sauf que le projet Trojan est plus touffu, que son tamis est moins fin que celui utilisé par Island pour son anthologie, qu’aux côtés des inévitables tubes de Desmond Dekker, Ken Boothe ou Bob Marley, il laisse filtrer quelques curiosités obscènes, comme le Barbwire de Nora Dean ou l’hallucinant Birth control de Loydie & The Lowbites avec ahanements et grincements de litière ! , infiniment plus amusantes que les sempiternelles homélies rasta qui pulluleront dans les années 70 et surtout mieux en rapport avec la culture rude boy dont le label se fera l’involontaire prosélyte. Aussi parfois Trojan s’efforçait-il d’adoucir la musique en souhaitant du même coup adoucir les mœurs. Ce fut l’époque où l’on ajoutait des violons au studio de Chalk Farm sur les titres pralinés de Bob & Marcia (Griffiths, future I Threes) ou de Greyhound. Il n’empêche que le plus grand succès jamais décroché par le label reste le très roots Double barrel par Dave & Ansell Collins en 1972, un rock steady qui, à vingt-cinq ans de distance, fleure encore puissamment l’odeur âcre des corps en sueur, de la fumée prohibée et de la bière répandue sur le plancher d’une certaine Music house de Willesden.
History of Trojan Records Volume 1 (1968-1971) ; Volume 2 (1972-1995) (Trojan/Pias)
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