Revenu des broutilles acid-jazz, le meilleur saxophoniste anglais de sa génération revient au bercail coltranien. On n’y croyait plus. Enfin presque… Depuis son entrée en scène, au milieu des années 80, Courtney Pine n’avait eu de cesse de décevoir. C’était pourtant lui qui, après avoir fricoté avec le batteur John Stevens, avait pris la tête […]
Revenu des broutilles acid-jazz, le meilleur saxophoniste anglais de sa génération revient au bercail coltranien.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
On n’y croyait plus. Enfin presque… Depuis son entrée en scène, au milieu des années 80, Courtney Pine n’avait eu de cesse de décevoir. C’était pourtant lui qui, après avoir fricoté avec le batteur John Stevens, avait pris la tête de collectifs tels les Jazz Warriors. A ses côtés, Cleveland Watkiss, Orphy Robinson, la fratrie Mondesir, Julian Joseph, Steve Williamson… Une généreuse génération du côté d’Albion. Même que début 87, le multisaxophoniste britannique s’était fendu d’un remuant Out of many, One people. La pochette figurait ses origines jamaïcaines, ses désirs afro. La musique ressemblait à ces icônes, alternait avec bonheur l’esprit guilleret des dance-halls et la rhétorique harmonisée de l’après-bop. Avec un poil de désinvolture, un rien de nonchalance, ce qu’il faut de liberté. Aux anges qu’on était. Et puis bing tagaboum ! Plus rien. Le vide. Des disques si, souvent inégaux, quelques bonnes idées comme celle d’accompagner Bheki Mseleku sur Celebration. Un tas de mauvais coups aussi, dont le dernier était de s’afficher avec l’excellent Guru, lui-même empêtré dans ses sales (ou plutôt trop propres) affaires. C’était il y a deux ans et le biniou de Courtney Pine faisait de ridicules tut-tut derrière Jazzmatazz. Tout bien nippé, il joignait le geste à la non-parole, pantin désarticulé. On en avait presque pleuré de rire. Quitte à confiner le Pine en question dans le vaste champ des musiciens avortons, prodiges écrasés sous la pression. A l’image de la jeune garde d’outre-Manche égarée entre les branchouilleries du Jazz Café, les futilités de l’acid-jazz, le syndrome Marsalis et les velléités pop. Jusqu’à Modern day jazz stories. La prétention du titre n’annonce pas que du bon ! Mais le casting (Geri Allen, Cassandra Wilson, Charnett Moffett… les cousins américains qui ont eux plus que confirmé) attire l’attention. Sans compter DJ Pogo, « champion du monde des platines » selon l’argumentaire. Et là, surprise. Bonne. La musique l’est. Un programme très bien agencé, sans tapage ni tape-à-l’oreille. Chacun tient la partition, les compositions tirent un trait d’union sur le passé. Avec concision. Courtney Pine a mûri. De ce qu’il a perdu en candeur et jubilation dans toutes ses impasses, il en tire les bénéfices. Des partenaires au diapason de l’inspiration, deux-trois pincées de scratches, quelques envolées de haute lignée (on songe à Coltrane… pour changer) et surtout une envie gourmande de jouer. Pas trop, juste bien. Pour tous, cela s’entend. Avec plaisir et bon esprit.
{"type":"Banniere-Basse"}