Rubrique hebdomadaire des spectacles à ne pas manquer du 11 au 17 février
Vous avez jusqu’au 20 février pour découvrir Salut, une création de Pierre Rigal qui fait une entrée remarquée et formidable dans l’univers du ballet classique au Palais Garnier (jusqu’au 20 février). Créé pour et avec les danseurs de l’Opéra national de Paris, Salut déborde d’énergie et prend le public par surprise en commençant là où se termine un spectacle : par les saluts des artistes aux spectateurs. Comme souvent avec Pierre Rigal, le choix du titre détermine le processus de création à venir. Et sa première démarche consiste alors à partir en quête des définitions et du sens des mots qui s’imposent comme titre :
“Salut, justement, est un mot qui a plusieurs significations. C’est évidemment le geste que tout le monde connaît au théâtre et en danse. Il est particulièrement élaboré chez les danseurs classiques. C’est un geste chorégraphique. Mais, c’est aussi un mot familier pour dire bonjour et, si on revient à l’origine du mot, il évoque la santé, le fait de se sauver, la prospérité et le bonheur. Il y a aussi une dimension sociale et politique : le salut public. Et aussi quelque chose de sacré, lié au religieux : le salut de l’âme et la vie éternelle. Cette quadruple signification du mot salut m’intéresse et peut devenir le sujet d’une pièce. En pensant à la vie éternelle, j’ai eu l’idée d’un cycle qui se perpétue, celui d’une journée, avec un soleil qui se lève, se couche et se lève de nouveau. Ce sera la scénographie du spectacle. »
Soutenue aussi bien par la musique de Joan Cambon que par les costumes et perruques, noirs et blancs, ultra stylisés de Roy Genty, la codification particulière des saluts des danseurs de l’Opéra se révèle dans l’aveuglante lumière d’un soleil qui occupe tout le fond de scène. Répétition, présentation, variations : tout l’arsenal des figures générées par les saluts glissent naturellement dans le répertoire du vocabulaire classique. Soli, duos, trios s’enchainent et se modifient, dans leur composition comme dans leur énergie, à mesure que le soleil avance dans sa course et rougoie, tombe et disparaît, avant de renaître à la fin du ballet.
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Les artifices tombent aussi : costumes et perruques sont retirés, abandonnés sur le plateau, rejoints par les corps, happés par les mouvements de la nuit et ceux du sommeil. Place à la lenteur, à la métamorphose, en jouant des tutus comme d’accessoires ou de masques. Un groupe se forme, une communauté unie par la nuit que l’aube surprend sous un soleil bleu pâle. Un cycle qui prend l’allure d’une déflagration tous azimuts – musicale, chorégraphique, lumineuse. Course éperdue des danseurs sous une lumière stroboscopique, Salut se termine comme on aimerait voir chaque jour commencer : dans une énergie dévastatrice tout autant que salvatrice…
Le festival international Reims scènes d’Europe vient de démarrer et se poursuit jusqu’au 21 février. Thématique de l’année : les guerres – et notamment la Première guerre mondiale – et les différentes formes de conflits que peuvent connaître nos sociétés contemporaines. De François Verret à Noé Soulier et Sanja Mitrovic, la danse s’invite aux côtés des metteurs en scène. Autour de la guerre de 14-18 et de ses conséquences, on retrouve les metteurs en scène Luk Perceval (Front), Robert Wilson (1914), Jean-Yves Jouannais (L’Encyclopédie des guerres) ou Yael Ronen (Common Ground).
Quant à Ludovic Lagarde, avec La Baraque de Aiat Fayez, et Shay Pitowski, avec God Waits at the Station, de Maya Arad), c’est aux nouvelles formes de guerre, telles le terrorisme, que leur théâtre aborde.
Chloé Moglia, artiste associée du Centquatre, y présente Aléas =3 du 10 au 15 février. Adepte du trapèze en suspension, « qui souligne le paradoxe de la force et de la fragilité et est un moyen efficace d’accroître l’intensité du vivant », elle est cette fois-ci accompagnée de huit acrobates dans un espace traversé « par des dizaines de mètres de fin cylindre d’acier. Un territoire aérien, implacable, parcouru par soixante à trois cents kilos de ‘masse féminine vivante’ ».
Saisir, un titre bref pour un spectacle audacieux dans la forme, sur un texte de Henri Michaux, mis en scène par Sarah Oppenheim et interprété par les acteurs Yann Collette et Fany Mary, accompagnés de Benjamin Havas au violoncelle et de Louise Dumas au dessin (du 16 au 22 février, programmation de la MC93 de Bobigny hors les murs au théâtre Le Colombier de Bagnolet). S’emparant de textes de Michaud sur sa pratique picturale (Mouvements, Saisir, Emergences-Résurgences), Sarah Oppenheim poursuit sa « recherche sur les rencontres, heurts, prolongements du geste et de l’image, sur la formation de scénographies mouvantes créées par les corps en mouvement au fil de la représentation ».
Œuvre évolutive depuis la création de sa première partie en 2004, de la seconde en 2007 et sous sa forme actuelle en 2014, Empty Moves (Parts I, II & III) d’Angelin Preljocaj est au théâtre de la Ville du 17 au 27 février. Rappel des faits : la chorégraphie s’inspire et part de la conférence Empty Words donnée par John Cage à Milan en 1977, où sa lecture du texte d’Henry David Thoreau, La Désobéissance civile, se transforme en poésie sonore malgré les invectives du public. De la même façon, Angelin Preljocaj travaille sur la construction et la déconstruction de schémas chorégraphiques qui ont pour seule constante, le mouvement, inlassablement reconduit et porté par un quatuor de danseurs.
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