Esquisses de maître. La retranscription d’inédits de Purcell exprime en raccourci son génie. Un disque alerte et délassant. Fin 1993, la découverte d’un petit manuscrit oublié de Purcell mit en émoi la communauté musicale et baroque. On s’émut d’autant plus que l’annonce fut suivie d’un assez rocambolesque feuilleton, qu’il convient de résumer. Acte I : […]
Esquisses de maître. La retranscription d’inédits de Purcell exprime en raccourci son génie. Un disque alerte et délassant.
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Fin 1993, la découverte d’un petit manuscrit oublié de Purcell mit en émoi la communauté musicale et baroque. On s’émut d’autant plus que l’annonce fut suivie d’un assez rocambolesque feuilleton, qu’il convient de résumer. Acte I : après expertise, le manuscrit est proposé chez Sotheby’s et raflé par un mystérieux acheteur français. Acte II : le gouvernement anglais met son holà et refuse d’accorder la licence d’exportation ; la perspective de voir le précieux fascicule quitter le sol national frôle l’affaire d’Etat. Acte III : la British Library s’empresse de récolter avec l’aide de Thorn-EMI les fonds nécessaires (2,5 millions de francs) afin de récupérer le manuscrit. Epilogue : les pièces sont enregistrées sur le label Virgin(propriété d’EMI) et sorties dans le commerce trois mois après, à la faveur du tricentenaire de Purcell. Tant de zèle se justifie aisément, si l’on sait que les manuscrits-autographes d’Henry Purcell sont une denrée rarissime. Et, surtout, ce manuscrit concerne l’un des secteurs les moins favorisés de la production purcellienne : la musique pour clavecin. Laquelle s’agrémente donc de vingt nouvelles pièces dont huit sont d’absolues nouveautés et six sont des arrangements inédits de pièces destinées au théâtre. A l’écoute du disque, pourtant, les arguties musicologiques s’effacent devant une impression première en forme de titre lelouchien tout ça pour ça. La brièveté des pièces déconcerte : nul développement, nulle envolée. Et leur style très français désappointe l’amateur de Didon et Enée. Rien qui puisse lever a priori l’attitude naturellement circonspecte qu’appelle l’œuvre pour clavecin du musicien anglais. Tout cela tintinnabule agréablement. Il faut savoir se laisser bercer par cet art où s’exprime, en miniature, toute la quintessence du génie purcellien. C’est en tout cas la thèse que défend Davitt Moroney, claveciniste anglais d’adoption française préposé à l’enregistrement du manuscrit : « Les pièces pour clavecin de Purcell ne sont pas plus mineures que les dessins de Michel-Ange.
Simplement, elles sont une sorte de laboratoire, de carnet d’esquisses où l’on retrouve à l’état brut des idées réalisées ensuite de manière plus ambitieuse. » Un autre argument plaide pour cette musique et lui rend sa véritable nature, conviviale et intime : le manuscrit s’avère avoir été conçu comme un manuel pédagogique, une série d’exercices. Comme tel, c’est un outil pratique qui pourrait remplacer avantageusement les méthodes roses auxquelles sont soumis tant d’apprentis pianistes. « J’y vois une découverte non seulement très importante sur le plan musical, mais qui aura aussi un impact considérable sur la formation des jeunes musiciens », assure Davitt Moroney. Nous voilà rassérénés. Et impatients d’entendre, en juin, la prochaine exhumation à laquelle se livrera Moroney : celle des soixante-dix pièces d’orgue de Louis Couperin.
Henry Purcell, The Purcell Manuscrit - Davitt Moroney, clavecin (Virgin Veritas/EMI)
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