Qu’est- ce qui unit le frêle androgyne de Placebo au viril leader de Therapy ? Que peuvent bien avoir en commun le précieux chanteur de Divine Comedy et les poux amphétaminés de Supergrass ? Tous ont grandi avec The Queen is dead des Smiths et sont venus célébrer sur la compilation The Smiths is dead […]
Qu’est- ce qui unit le frêle androgyne de Placebo au viril leader de Therapy ? Que peuvent bien avoir en commun le précieux chanteur de Divine Comedy et les poux amphétaminés de Supergrass ? Tous ont grandi avec The Queen is dead des Smiths et sont venus célébrer sur la compilation The Smiths is dead avec les libertés d’usage le songwriting alors à son sommet de Johnny Marr et Morrissey.
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Andy Cairn (Therapy )
J’ai simultanément découvert les Smiths et la liberté, en quittant à 18 ans le domicile parental. Mais ce n’est qu’après la sortie de The Queen is dead que je suis réellement devenu fan du groupe, mon instinct m’a dit que c’était un de ces albums qu’on peut acheter les yeux fermés. C’était la première fois que, en musique, l’humour pouvait fonctionner sans être tarte : un humour anglais très fin, spirituel. Les paroles me faisaient sourire, mais en même temps je me sentais triste en écoutant leur musique. A l’époque, je préférais There is a light that never goes out pour sa mélancolie et The Queen is dead, fantastique. Le morceau qu’on a repris (Vicar in a tutu) ne sera jamais aussi bon que l’original, on a donc cherché à en faire un morceau différent, plus rock et plus noisy. Dans dix ans, je ne crois pas que grand monde écoutera encore les albums brit-pop d’aujourd’hui, mais les gens écouteront The Queen is dead. Comme les albums d’Oasis, comme Marquee moon de Television, License to ill des Beastie Boys ou Unknown pleasure de Joy Division qui resteront des albums symboliques de leur époque.
Mick Quinn (Supergrass)
J’ai entendu les Smiths pour la première fois vers 15-16 ans, avec Panic et Shoplifters of the world unite. The Queen is dead est leur premier disque que j’ai acheté. Ça me parlait, je trouvais les paroles magnifiques et j’étais très sensible à la guitare de Johnny Marr. Les instruments étaient joués de façon franche, directe. On a choisi de reprendre Some girls are bigger than others parce qu’à notre avis, c’est la chanson la plus drôle de l’album, avec un humour insolent, tordu. Le plus dur a été le chant. Sur l’original, pas mal de paroles sont improvisées, même pas écrites sur le livret. Il a donc fallu inventer. Et on est très fiers de ce qu’on a fait. Gaz voulait même qu’on l’utilise sur notre nouvel album. Aujourd’hui, je réécoute The Queen is dead de temps en temps, il vieillit bien, mais moins que Hatful of hollow, enregistré de façon encore plus simple, rapidement, en allant droit au but.
Sice (Boo Radleys)
Je les ai découverts en 1983. J’étais très jeune à l’époque, vers les 13 ans, mais mon frère était allé à un de leurs concerts et avait ramené un single les Smiths n’étaient pas encore connus et ils devaient vendre leurs singles à la fin du concert. C’était Hand in glove, ça m’a stupéfié, je n’avais jamais rien entendu de semblable auparavant et je suis devenu fan tout de suite. Etrangement, je ne me revois pas en train d’acheter The Queen is dead. Ils venaient de faire That joke isn’t funny anymore et The Boy with the thorn in his side, que je ne trouvais pas très bon, j’étais convaincu que leur temps était révolu. J’ai quand même fini par l’acheter, je l’ai trouvé absolument époustouflant, indispensable. Pourtant, je ne l’écoute plus aujourd’hui, il ne signifie plus rien pour moi, il est trop lié à son époque. Surtout, je ne peux pas m’empêcher de le rapporter à ce que Morrissey est devenu, ce pastiche, cette ombre de lui-même.
Hi-fi Steven (Bis)
Honnêtement, on n’a jamais été de très grands fans des Smiths. A l’époque, on était beaucoup trop jeunes pour s’y intéresser. Je me suis toujours mépris sur leur compte. J’en pensais ce que mon entourage en pensait et comme les gens avec qui je traînais ne les aimaient pas, ils ne m’ont jamais attiré. En faisant une reprise de The Boy with a thorn in his side, on a vraiment choisi la complication. On a fait ce que les Smiths n’auraient jamais fait : mettre un rythme dance, amplifier la basse, supprimer les guitares et les claviers présents sur la version originale. Moi, je n’avais jamais écouté The Queen is dead avant de faire le morceau, je n’écouterai les originaux qu’après avoir entendu les reprises sur The Smiths is dead.
Brian Molko (Placebo)
Ma mère est écossaise et je me souviens que vers 13 ans, je prenais le train entre chez elle et Edimbourg, en écoutant toujours les Smiths sur le trajet. Mes chansons préférées sont sur le premier album, je trouvais la nudité des mots très touchante, très attirante. J’avais découvert le groupe par un copain d’école, un type qui se fringuait bien, qui écoutait de la bonne musique, qui changeait de choix musicaux tous les deux mois. Et un jour, il s’est ramené en disant qu’il était fan des Smiths. Et moi, tout de suite, je me suis dit qu’il fallait que j’écoute ça de plus près. J’ai acheté The Queen is dead et franchement, je n’aurais jamais pensé faire un jour une reprise des Smiths. Ça m’a torturé. On a finalement exagéré le morceau, on l’a rendu plus méchant, plus sale, fait sonner le piano plus fort, fait éclater les guitares. Aujourd’hui, je trouve The Queen is dead un peu daté, surtout la production. Mais comme la meilleure musique des sixties, comme Janis Joplin, les Smiths ont réussi à capturer l’essence de leur temps. Comment ne pas sembler daté quand on est ainsi ancré dans le temps ?
Sean O’Hagan (High Llamas)
Je me rappelle très bien la première fois que j’ai entendu parler des Smiths. On venait de sortir un single avec mon groupe Microdisney et il était chroniqué dans le même numéro de Sounds que Hand in glove. Ils étaient tous les deux « singles de la semaine ». Un groupe se faisant appeler par un nom aussi commun que Smiths ne pouvait que faire preuve d’une imagination étonnante. Je suis allé acheter le single et j’ai été terriblement impressionné. Ensuite, l’existence des Smiths s’est poursuivie parallèlement à celle de Microdisney. La seule différence, c’est que personne n’achetait les disques de Microdisney et tout le monde achetait les disques des Smiths. Curieusement, des albums comme The Queen is dead ou Meat is murder m’ont déçu : ils n’étaient pas aussi imposants, intenses que les premiers. Pourtant, j’adorais l’humour de certaines chansons, la façon dont ils jouaient avec les clichés anglais. En reprenant Frankly Mr Shankly, j’ai essayé d’être Morrissey pendant une heure, de me convaincre que j’étais lui, de penser comme lui. Je trouvais ça drôle de reprendre le fond de sa chanson, son attitude, et de les mettre sur une musique différente, plus lente.
Neil Hannon (Divine Comedy)
Comme tout le monde dans ma famille, je regardais Top of The Pops et j’y ai vu cet homme au look assez inhabituel avec un énorme bouquet de fleurs qui dépassait de sa poche arrière, c’était très étrange. Je me rappelle avoir demandé à mes frères « C’est quoi cette merde ? » A l’époque, on écoutait Ultravox ou Human League et je n’ai plus prêté attention aux Smiths. Et ce jusqu’à mes 17-18 ans, c’est-à-dire jusqu’au moment où ils ont splitté. Et là, j’ai découvert d’un coup tous ces albums fabuleux, je m’en suis voulu de les avoir ratés à l’époque. Je me rappelle très bien le moment où je suis tombé sur The Queen is dead : le bruit horrible au début de la chanson m’a marqué à la première écoute. Certaines paroles de cette même chanson sont renversantes et poignantes à la fois. Je n’avais jamais vraiment réfléchi auparavant à notre famille royale si glorieuse. Pour moi, ils étaient là, immuables, inoffensifs, sans faire de mal à personne. Ce que prouve surtout The Queen is dead, c’est à quel point les Smiths étaient bien meilleurs que Morrissey tout seul. L’un sans l’autre, ils ne sont rien. Vicar in a tutu m’a énormément ému à l’époque, simplement parce que mon père est prêtre. Frankly Mr Shankly était ma préférée, parce qu’elle contient la quintessence même de l’esprit anglais sans pour autant être un cliché à la brit-pop. Mais je crois que There is a light that never goes out était mieux adaptée à mon style, grâce à son côté romantique, sa mélancolie un peu sombre qui est parfaitement dans l’esprit Divine Comedy. Comme Sergeant Pepper, The Queen is dead est un album qui vieillit bien, chaque chanson est un véritable aboutissement en soi. Il y a quelques années, je jouais dans un groupe un peu ridicule à l’école et on faisait déjà des reprises des Smiths. On jouait Bigmouth strikes again, très mal d’ailleurs, dans le pub du coin. Tout le monde sifflait, criait après nous, nous lançait de trucs. Une honte.
Paul Linehan (The Frank & Walters)
J’ai découvert les Smiths vers 1983 je devais avoir 15 ans quand ils sont passés la première fois à Top of The Pops, puis j’ai acheté un de leurs albums Hatful of hollow et enfin The Queen is dead à sa sortie c’est mon album préféré, de loin. Il réussit à capturer une certaine humeur, ce n’est pas juste un assemblage de chansons mises bout à bout. Le contraste entre la musique un peu inquiétante je ne l’ai jamais trouvée très optimiste et les mélodies douces chantées par Morrissey était passionnant, inédit. Pour moi, ce groupe était une bouffée d’air frais. J’étais alors un fan typique de musique indé, timide, pas du tout sûr de moi, particulièrement gêné en face des filles. En voyant les Smiths chanter sur la timidité, sur la difficulté de grandir, d’être un teenager, je me suis immédiatement identifié : enfin, quelqu’un me disait que je n’étais pas un monstre.
Paul Livingston (The Trash Can Sinatras)
La première chanson que j’ai entendue, c’était Hand in glove, dans un concert télévisé. Les paroles étaient si drôles que je me suis mis à rire devant la télé. La voix était très différente de ce qu’on entendait à l’époque. Avant de découvrir les Smiths, j’aimais les groupes à guitare prolos, j’écoutais The Jam. Les Smiths étaient une suite logique à ça. The Queen is dead est le premier album des Smiths que j’ai attendu impatiemment, j’étais surexcité. Quand je l’ai entendu pour la première fois, j’ai compris qu’il était exactement ce que j’attendais, excellent et homogène. Même si j’adorais la tristesse d’I know it’s over, j’admirais l’album pour sa diversité, ses paroles vraiment tordantes et sa musique très lyrique, qui ressemblait parfois à une vieille comédie musicale. Reprendre I know it’s over était un challenge pour nous, on voulait en faire une version très différente : on a samplé Glen Miller, la musique du feuilleton Coronation Street et une musique de Haydn, histoire d’avoir un son très différent. On est plutôt contents du résultat.
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