The Fall a beau tenter un étonnant rock cartésien, Mark E. Smith n’est doué ni pour la raison, ni la géométrie. Dix-huit ans que Mark E. Smith conduit The Fall au juger, sans gouvernail. En plein brouillard et pied au plancher. Toujours à contretemps, dans tous les créneaux intermédiaires : after-punk, after-new-wave, after-indus, etc. Cette […]
The Fall a beau tenter un étonnant rock cartésien, Mark E. Smith n’est doué ni pour la raison, ni la géométrie.
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Dix-huit ans que Mark E. Smith conduit The Fall au juger, sans gouvernail. En plein brouillard et pied au plancher. Toujours à contretemps, dans tous les créneaux intermédiaires : after-punk, after-new-wave, after-indus, etc. Cette fois, ce serait plutôt l’Aftermath, autrement dit son disque de rock’n’roll. Mais du rock’n’roll comme le concevaient Suicide ou Wall Of Voodoo, du binaire par la bande, avec beaucoup d’effet à chaque coup. Dans le rôle de la boule blanche, fil rouge entre chaque point, D.I.Y. meat ouvre l’album par une sorte de résumé des chapitres précédents. Mark y présente son seul profil depuis toujours identifiable. Comme une fiche anthropométrique, cet indie-rock en dérapages plus ou moins contrôlés convoque à lui seul tous les fantômes de The Fall. Dix-huit ans de vagabondage âcre en une compilation de deux minutes et demi. Les retours au bercail conjugués de sa femme, de son batteur, de son chat sans doute, scellent le côté rétrospectif d’une telle introduction. On croirait un remake noisy de La Femme du boulanger. Sitôt cette présentation des caractères entérinée, les prospections reprennent. Au confluent de toutes les époques. Sur He Pep!, c’est Tubeway Army qui découvre Jesus Lizard. Sur Powder keg, les Stranglers redeviennent dangereux. Sur Stay away (old white train), le lyrisme décharné de Nick Cave pactise avec Robocop et Kevin Ayers. Rien n’est ici à l’abri. Même le récent single The Chislers, rebaptisé Interlude/chilinism pour respecter un anonymat quasi militaire, se taille sa place à la machette entre une végétation rythmique dense comme les forêts équatoriales et une foison de virus mélodiques pas clairs issus sans doute des mêmes contrées. On ne peut décemment pas parler de moiteur, Mark E. Smith ayant plutôt l’habitude d’engendrer l’aridité, mais il ne faut pas chercher bien loin pour entendre les reptations de serpents d’eaux troubles. Même lorsque la ville impose sa géométrie, notamment sur le très glam Spinetrak, les impressions dominantes d’espace et d’étouffement convient à une sorte d’errance sans boussole. Le maître de céans guide à tâtons de sa voix éclopée un Last chance to turn around pathologique, emprunté au crooner bon teint Gene Pitney, jusqu’à des sortes de rédemptions rock totalement décalées, Das vulture ans ein nutter-wain ou The Ballad of J. Drummer au pas de l’oie, Hostile sur un tempo de galère romaine. Même dans le cadre d’un retour à plus de cartésianisme, The Fall flotte sans cesse entre ce qu’il rêve d’être et ce qu’il montre. De cette querelle intestine naît une musique sans collier, toujours entre deux ports, indurée par défaut. Disons que l’intrigue s’épaissit.
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