Duo insolite : il enseigne les maths à l’université, elle est shampouineuse et a la séduction piquante d’un Gavroche féminin grandi sur le pavé de Little Italy. On connaissait des couples contrastés (l’ours et la poupée, Nancy Sinatra et Lee Hazlewood), on ne les avait jamais entendus se donner aussi délicieusement la réplique. Lune de […]
Duo insolite : il enseigne les maths à l’université, elle est shampouineuse et a la séduction piquante d’un Gavroche féminin grandi sur le pavé de Little Italy. On connaissait des couples contrastés (l’ours et la poupée, Nancy Sinatra et Lee Hazlewood), on ne les avait jamais entendus se donner aussi délicieusement la réplique. Lune de miel au clair de lune. Chez Professor And Maryann, le folk urbain et la pop pastorale tissent le soir venu un affriolant réseau de connivences entre crédulité enfantine (leur premier album s’intitulait Fairy tale) et cinoche du samedi soir (les chansons offrent le gîte aussi bien à Ginger Rogers et Fred Astaire en tenue de gala élimée, qu’à Bonnie & Clyde parfumés à la poudre de perlimpinpin). Le nom du duo vient d’un feuilleton culte des sixties, Gilligan’s Island. Sur leur île magique, cernée par un océan d’asphalte, survit un art de vivre, de palpiter et de fredonner issu des comédies musicales farfelues et sentimentales où les pères la rigueur s’éprenaient de ravissantes têtes de linotte. Luxe suranné, recréé avec trois bouts de ficelle surréelle une guitare acoustique, une flûte frissonnante, un accordéon câlin et deux voix d’une candeur malicieuse. Le savant à bésicles (Ken Rockwood) conçoit des mélodies de dentelle ajourée, l’ingénue délurée (Danielle Brancaccio) les pare d’un souffle azuré, celui d’une Hope Sandoval débarbouillée de sa morgue glaciaire. A la barbe des tribus tatouées, Professor And Maryann embrassent la décrépitude urbaine (les chansons sont fondues dans une trame narrative digne de Tom Waits) mais se souviennent qu’autrefois, chez Phil Spector, des roses poussaient sur des trottoirs de Spanish Harlem. Ici, le romantisme citadin transforme les vieux tacots en carrosse princier (Jalopy suite) ; les cœurs battent la chamade au rythme d’une pluie d’été (Tropical rain) et les chiens cabotins aboient avec la voix de Circé (House by the water). Cette musique fantaisiste et raffinée oppose le charme au vacarme et libère New York de sa pesante légende junkie sadomaso. La ville enchanteresse et naïve de Professor And Maryann est à celle de Lou Reed ce que l’univers de Woody Allen (tendance Alice) est à celui d’Abel Ferrara.
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