Les mises en examen de plusieurs hauts responsables de la Police judiciaire parisienne, et la multiplication des histoires rocambolesques, ternissent encore un peu plus l’image, déjà bien amochée, du 36, quai des Orfèvres.
[EDIT] : Selon LCI , Christophe Rocancourt a été mis en examen, aujourd’hui, dans le cadre de l’affaire du vol de 52 kilos de cocaïne au siège de la PJ parisienne, 36 Quai des Orfèvres, en juillet dernier. Il avait été convoqué ce matin par un juge d’instruction afin d’être entendu concernant cette affaire. Christophe Rocancourt a dû préciser la nature de ses liens avec un ex-membre de la brigade des stupéfiants, Jonathan G., soupçonné d’avoir volé la drogue.
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Quel est le point commun entre Christophe Rocancourt, Christian Prouteau et le directeur de la PJ parisienne, Bernard Petit ? A priori aucun. Pourtant, il suffit de tirer quelques fils de l’hallucinant sac de nœuds des révélations impliquant le siège de la PJ parisienne pour se rendre compte à quel point ces affaires, impliquant ces hauts responsables, ont tout d’un scénario hollywoodien.
Si vous n’avez rien suivi aux dernières affaires en date, voici un résumé des tremblements de terre qui ont touché le 36 Quai des Orfèvres depuis un peu plus de 6 mois.
1/ Un vol historique
Le 24 juillet 2014, une gardienne de la paix en faction devant l’entrée du siège de la Police judiciaire (PJ) parisienne, aperçoit un homme entrer puis sortir avec deux gros sacs. La fonctionnaire affirme avoir reconnu, Jonathan G. (33 ans), fonctionnaire de la brigade des stups parisienne (BSF). Ce dernier avait par la suite été arrêté, mis en examen, puis écroué à la prison de Fleury-Mérogis, le 6 août 2014, suspecté du vol de 52 kilos de cocaïne (pour un montant d’environ 2 millions d’euros) dans les locaux du 36 quai des Orfevres. Un cas de vol unique dans l’histoire. Durant sa garde à vue, Jonathan G. avait alors prévenu qu’il ne tomberait « pas seul », rapporte Le Monde.
2/ Un coup organisé
Très vite, les enquêteurs de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) soupçonnent que ce vol historique ne serait pas l’oeuvre d’une seule et unique personne. Ainsi, entre le 16 et le 31 janvier dernier, huit proches de Jonathan G. vont être mis en examen : sa femme, son petit frère (également fonctionnaire de police), un dénommé Yossef I., ainsi que cinq autres policiers. Ils sont suspectés de « blanchiment de trafic de stupéfiants en bande organisée » et de « recel de détournement de biens ». Concrètement, ils sont soupçonnés d’avoir été en contact avec une partie du fruit de la revente des 52 kilos de cocaïne.
3/ Christophe Rocancourt apparaît dans le dossier
Mais c’est bien l’apparition de Christophe Rocancourt dans les deux dossiers qui permet de dresser un parallèle entre le vol de la cocaïne et une autre histoire, qui remonte cette fois au début de l’année 2014. Christophe Rocancourt, condamné en 2012 pour abus de faiblesse sur la cinéaste Catherine Breillat, est alors soupçonne d’avoir tenté, contre paiement, de faire régulariser les situations administratives de deux Marocaines, Asmaa et Kawtar Kartoubi. L’homme aurait tenté de faire jouer ses réseaux dans une affaire de corruption dans l’octroi de titres de séjours, dans laquelle se retrouvent impliqués un ancien secrétaire d’Etat (Kofi Yamgnane), l’avocat des sœurs marocaines, Me Marcel Ceccaldi, ainsi que l’ancien directeur du GIGN, Christian Prouteau. A cet instant, aucun lien n’est établi entre cette affaire et celle du vol de cocaïne.
4/ Jonathan G. et Christophe Rocancourt à Fleury-Mérogis
Christophe Rocancourt se retrouve incarcéré dans la prison de Fleury-Mérogis, le 9 octobre 2014. Il y rejoint dans le quartier VIP de la prison, Jonathan G, le brigadier des stups ,suspecté du vol de cocaïne et incarcéré depuis le 6 août. Au parloir de la prison, Christiphe Rocancourt multiplie les discussions avec le fameux Yossef I., un proche de Jonathan G., qui n’est lui pas encore mis en examen. Lors d’une discussion, Christophe Rocancourt aurait demandé à Yossef I. de se mettre en relation avec un certain « Marius », comme le raconte Le Monde, pour récupérer une somme d’argent qui lui était due. En réalité, « Marius » s’appelle Donovan et connaît très bien Jonathan G., il s’agit de son petit frère. Ce dernier aurait parallèlement missionné Donovan pour remettre l’argent à Yossef I., en concertation avec Christophe Rocancourt, poursuit le quotidien.
Le 3 janvier, Yossef I. et Donovan se rejoignent et prennent la direction du lac de Créteil, en banlieue parisienne, pour y récupérer un sac d’argent qui aurait été placé au fond du lac. Histoire rocambolesque : Donovan, ne retrouvant pas le sac qui contiendrait 150 000 euros, aurait été sommé de plonger dans l’eau glaciale par Yossef I. « J’avais l’impression d’être dans un film. Il n’y avait rien de crédible », concéda ce dernier lors de sa garde à vue, rapporte Le Monde. Le sac ne sera finalement pas repêché, mais Yossef I. récupéra tout de même 50 000 euros de la part de Donovan.
Le 8 janvier, Yossef I. retourne voir Christophe Rocancourt au parloir. Ce dernier lui indique de remettre 12 000 euros à Alexandra (la compagne de Christophe Rocancourt, âgée de 23 ans), de cacher 20 000 euros dans le jardin de sa belle-mère, 10 000 euros dans un bureau parisien que possède Yossef I. et enfin 8 000 euros chez lui. Le 22 janvier, toujours au parloir (mis sur écoute entre temps), les enquêteurs captent une conversation dans laquelle Christophe Rocancourt glisse à Yossef I. : « Dès que je sors, y’a 250 k à aller chercher. »
Yossef a été mis en examen le 26 janvier, Rocancourt doit lui être entendu par le juge ce vendredi 6 février.
5/ L’autre affaire Rocancourt
Après examen de leur dossier, les soeurs Kartoubi n’ont pas reçu leur titre de séjour. Christophe Rocancourt furieux, demande à une connaissance, Christian Prouteau, d’intervenir en leur faveur dans ce dossier. Âgé de 70 ans, l’ancien supergendarme, créateur en 1974 du GIGN, puis chargé de la sécurité rapprochée de François Mitterrand à l’Elysée, se serait vu proposer par Christophe Rocancourt au moins 2 500 euros pour user de son influence auprès du préfet de police de Paris, Bernard Boucault, explique Le Monde.
La chute des dominos se met en place : le 7 octobre, Christian Prouteau est auditionné par les juges d’instruction Roger le Loire et Charlotte Bilger. Les magistrats découvrent alors que Christian Prouteau est parfaitement au courant des faits qui lui sont reprochés. Ce dernier raconte qu’il en a été informé par Philippe L., proche de Joaquin Masanet, président de l’Anas (Association nationale d’action sociale des personnels de la police nationale). Les enquêteurs vont découvrir qu’entre le 3 et le 7 octobre, de nombreux contacts téléphoniques ont été établis entre MM Prouteau et Philippe L., mais aussi avec le patron de la PJ, Bernard Petit et son directeur de cabinet Richard Atlan. Ces quatre personnes ont été placées en garde à vue, le 4 février.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, Bernard Petit et Richard Atlan ont été mis en examen, soupçonnés d’avoir violé le secret de l’instruction de l’enquête sur l’affaire de corruption dans l’octroi de titres de séjours. Philippe L. a été inculpé des chefs de complicité de trafic d’influence, recel de violation du secret de l’instruction et recel de révélation d’informations sur une instruction en cours dans le but d’entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité. A la mi-journée, Joaquin Masanet était toujours en garde à vue.
Il reste de nombreuses questions de cet incroyable scénario qui se joue depuis plusieurs mois au sein du 36 Quai des Orfèvres :
– Comment Christophe Rocancourt et le brigadier suspecté du vol de cocaïne, Jonathan G. se connaissent-ils ?
– Où est passé le fameux sac d’argent supposé croupir au fond du lac de Créteil ?
– Jonathan G. a-t-il bénéficié de complices pour le vol de la cocaïne ?
– Que sont les « 250 k » dont a parlé Rocancourt à Yossef au parloir de Fleury-Mérogis ?
Quoi qu’il arrive, ces récentes affaires viennent ternir un peu plus l’image du 36 quai des Orfèvres, déjà bien atteinte par l’affaire du viol d’une touriste canadienne dans les locaux de la BRI (brigade de recherche et d’intervention) le 22 avril 2014 et le limogeage, en décembre 2013 du patron de la police judiciaire parisienne Christian Flaesh, accusé d’avoir prévenu Brice Hortefeux qu’il allait être convoqué dans une enquête liée au financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.
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