On essaie de suivre ces filles des beaux quartiers dans leur espiègle visite des bas-fonds: fascinant mais déroutant. L’oreille distraite ou carrément paresseuse, on aurait tôt fait de ranger That Dog à la rubrique Breeders – opulentes guitares et voix menues -, là où se sont perdues Veruca Salt et ses mélopées lyophilisées. L’enfer. Mais […]
On essaie de suivre ces filles des beaux quartiers dans leur espiègle visite des bas-fonds: fascinant mais déroutant.
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L’oreille distraite ou carrément paresseuse, on aurait tôt fait de ranger That Dog à la rubrique Breeders – opulentes guitares et voix menues -, là où se sont perdues Veruca Salt et ses mélopées lyophilisées. L’enfer. Mais Anna Waronker et les sœurs Haden ne ressemblent en rien a Kim Deal ou à Josephine Wiggs. Pas du même monde, That Dog, pas le genre débraillé ; aucun risque de les voir jouer les garçons manqués, sexe, drogue et tout le tremblement. Pas toutes sages non plus, en dépit de leurs jolies robes et de leurs harmonies immaculées. Chez That Dog, la présentation est bonne, l’apparence irréprochable, mais tous les vêtements ont des accrocs. D’emblée, la musique plaît et dérange aussi. Un rock intrinsèquement féminin, qu’aucun mâle (pardon pour le batteur) ne saurait se risquer à jouer, trop grossier, trop rustaud à coup sûr. Petites filles modèles des beaux quartiers de Los Angeles en goguette dans les bas-fonds, Anna, Rachel, Petra et les autres ont conservé l’acquis d’une enfance paisible, les leçons de violon et les cours de chant, les jeux, les éclats de rire, les cris perçants et les caprices de gamines trop gâtées. Façade. La comtesse de Ségur, ça ne dure qu’un temps et toute la démarche de That Dog semble tenir dans la volonté forcenée de se départir de ce bagage idyllique, de ces trop bonnes manières, sans jamais vraiment y parvenir. D’où malaise et faux-semblants. On ne sait pas où attendre les filles de That Dog, car elles sont partout à la fois. On les repère tout juste au travers de quelque mélodie renversante quelles vous rigolent littéralement au nez et se lancent illico dans une tirade punk burlesque, le sourire en coin et l’œil ironique, avant de se faire la malle vers une berceuse à l’acoustique perverse.
Vexé mais ébloui, on tente cependant de les suivre, quand bien même la traque se révèle être une gageure. On ne rattrape jamais vraiment ? Totally crushed out, mais ce qu’on frôle fascine : vignettes pastel qu’une distorsion incongrue vient froisser sans ménagement, violon qui dérape et chœurs mutins butant sans cesse sur une batterie cabocharde, l’humour est noir, le rire jaune. Un monde en trompe l’œil, où pourtant tout est à sa place. Car c’est dans l’art délicat de gérer le désordre que- la petite chorale de That Dog excelle le mieux, dans cette précision maniaque employée à tout foutre en l’air. L’espace de deux albums, la belle éducation de That Dog en aura pris un sacré coup. Mais au pays du vacarme électrique, il leur en restera toujours assez pour se distinguer avantageusement de la meute hurlante mal léchée.
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