Flicker et voyou. A la drague commune, Eszter Balint oppose une séduction revêche et canaille qui évoque Mazzy Star. Aux oreilles cinéphiles averties, le nom d’Eszter Balint, associé aux initiatiques déambulations noires et blanches de Stranger than paradise, devrait sonner de très familière manière. Gageons qu’il ne s’écoulera pas des milliers d’hectolitres d’eau sous les […]
Flicker et voyou. A la drague commune, Eszter Balint oppose une séduction revêche et canaille qui évoque Mazzy Star.
Aux oreilles cinéphiles averties, le nom d’Eszter Balint, associé aux initiatiques déambulations noires et blanches de Stranger than paradise, devrait sonner de très familière manière. Gageons qu’il ne s’écoulera pas des milliers d’hectolitres d’eau sous les ponts de Manhattan et d’ailleurs avant qu’il sonne non moins harmonieusement aux oreilles mélomanes aguerries. L’on ne peut en effet se résoudre à imaginer ces dernières accueillant avec scepticisme ou, pire, indifférence, ce Flicker premier album de la demoiselle , et n’y détectant pas rapidement la présence d’une chanteuse de la plus noble espèce, cousine d’une Lisa Germano ou d’une Stina Nordenstam. Outre une ascendance hongroise commune, Eszter Balint partage avec Jim Jarmusch un penchant prononcé pour l’artysanat qu’une sensibilité à vif sauve de l’impasse esthétique qu’est la préciosité satisfaite. Comme nous n’avons pas pour fonction de rabattre le chaland à tout prix, on n’accablera pas le lecteur sous un fatras d’hyperboles aguicheuses et autres fracassantes exclamations de joie promotionnelle non, désolé, ceci n’est pas le meilleur album du siècle de la semaine. On déléguera donc aux spécialistes de la vente le plein usage de cet attirail clinquant qui ne saurait d’ailleurs en aucune façon rendre équitablement compte de la beauté subtile et spéciale de cet album ambivalent, balançant entre rêches vignettes urbaines et souples échappées rustiques et auquel, entre autres partenaires très particuliers, Marc Ribot apporte sa touche pour le moins précieuse. A la fois souris des villes et souris des champs, Eszter Balint, hostile à d’aussi moches contingences que l’efficacité ou le potentiel commercial, musarde le nez au vent, l’esprit libre et le coeur ouvert, laissant son inspiration batifoler où bel et bon lui semble avant d’en recueillir les fruits juteux à souhait. Oeuvrant dans le sens d’une entière sincérité, Balint préfère attiser son feu intérieur plutôt que multiplier les artifices d’une éphémère séduction. A cet égard, est tout sauf incident le choix qu’elle fait d’entamer Flicker par un morceau, Panic donut, peu soucieux de plaire et mené d’une voix mal perchée qui montre pourtant par la suite plus d’une fois de quels sortilèges elle est capable. Se dévoile là tout l’envoûtant paradoxe de ce pernicieux assortiment de cantilènes qui, dans ses passages les plus inspirés, rivalise de grâce narcotique avec le terrassant Slush d’OP8 : longtemps se rétracter pour mieux enfin s’abandonner, ne pas courtiser grossièrement l’adhésion de l’auditeur mais, du même geste furtif et leste, l’emporter sans coup férir. Quelque chose comme une définition idéale de la volupté en musique.