Richard Cœur de Lion. Abonné aux miracles du rock américain audacieux avec Cardinal ou ses Moles , Richard Davies s’aventure hors symphonie et stupéfie même en acoustique. Heureux les simples d’esprit, qui ignorent tout du supplice de Richard Davies et peuvent, l’âme légère, s’amuser avec basse, guitare, batterie. Heureux les simples d’esprit qui n’ont […]
Richard Cœur de Lion. Abonné aux miracles du rock américain audacieux avec Cardinal ou ses Moles , Richard Davies s’aventure hors symphonie et stupéfie même en acoustique.
Heureux les simples d’esprit, qui ignorent tout du supplice de Richard Davies et peuvent, l’âme légère, s’amuser avec basse, guitare, batterie. Heureux les simples d’esprit qui n’ont jamais connu cette malédiction qui fit un jour rencontrer à Richard l’excellence insultante pour qui revendique quelques aspirations de songwriter de Pet sounds, Scott 4, Forever changes, Odyssey & oracles, Hunky Dory ou Paris 1919. Heureux les simples d’oreille qui n’ont encore jamais croisé de disques aussi grandiosement achevés pour beaucoup d’entre nous, la fin éclatante d’un voyage initiatique et dont on jalouse tous les jours le merveilleux dépucelage à venir. Découvrir Scott Walker, Burt Bacharach, Love ou Brian Wilson à 20 ans peut provoquer des lésions graves. Richard Davies ne s’en remettra pas. Dramatique frustration pour celui qui continue, vaillant, à composer malgré la croix du savoir, l’insupportable poids de la discothèque sur les épaules. Mais Richard Davies est têtu : il invitera ses chansons au panthéon, quitte à passer par les égouts, les portes dérobées, l’entrée des artistes. Fuite en avant, d’Australie en New York, de Moles en Cardinal pour finir, bien entendu, solo. Seul rescapé d’un parcours où il a déjà amplement fait connaissance avec la grâce. Un voyage au cours duquel tous ses acolytes terriens du remarquable Néo-Zélandais Hamish Kilgour (The Clean) à l’élégant Eric Matthews ont fini par baisser les bras devant l’ampleur du projet, pourtant tous connus pour écouter autant leur cœur que leur déraison. Pour ce genre de personnages archimaniaques, capables de passer trois semaines sur une sonorité de hautbois, on dit qu’ils sont « barrés », ce qui ajoute à la folie le panache de savoir placer la barre, justement, toujours trop haut pour les performances strictement humaines. Richard Davies le sait : l’ennemi du sauteur en hauteur est le gadin ridicule, le plongeon dans la vanité, la mégalo. Conscient qu’il se serait perdu en fouillant plus loin dans la luxuriance symphonique pratiquée avec les Moles ou Cardinal deux albums majeurs, dont on mesurera l’importance quand l’Amérique sera réconciliée avec l’audace , Richard Davies sort de la jungle et découvre ici le désert. Confortable et coloré, le désert de Davies. Pour lui, un album acoustique et dénudé ressemble au glorieux Hunky Dory de Bowie. Pas vraiment les terres désolées de Springsteen ou Palace. Chez Davies, il y a toujours des roses à côté du cactus, des plantes grasses et des senteurs sophistiquées, du luxe et une interdiction de grisaille. « Voyez-vous les couleurs de mes rêves ? », chante-t-il sur le magnifique superlatif attribuable, au choix, aux dix chansons de cet album Sign up maybe for being, et on comprend la malédiction de ce type incapable de se résoudre à penser en noir et blanc. Incapable de se résoudre à voler en rase-mottes quand bien même les moyens lui interdisent cette fois-ci toute envolée orchestrale. Car avec le millième d’un budget d’enregistrement de Blur, Richard Davies est capable de faire sonner un misérable piano, une pauvre guitare et de vagues percussions comme le plus intrigant des grands orchestres, comme le plus joueur des ensembles symphoniques. Il y a du Neil Hannon un Neil Hannon renfrogné, replié, brûlé chez ce songwriter qui a mis tout son génie dans sa musique et très peu dans son autopromotion. Pas d’image, mais une imagination furieuse, brillante, qui fait de ce There’s never been a crowd like this l’album le plus jouissivement déroutant de l’époque. Bientôt, il y aura, comme le titre le jure, foule pour saluer cette plume ahurissante. Du vivant de Richard Davies, on espère, pour une fois.