Le couple d’agents russes inflitrés à Washington revient dans la troisième saison de The Americans. Le premier épisode, triste et intense, donne le ton.
Parmi les séries apparues depuis le début des années 2010, The Americans fait partie des plus recommandables mais reste néanmoins sous-estimée, comme si l’époque ne supportait que les grandes formes démonstratives, que ce soit la torpeur suave de True Detective ou le fracas colérique de Game of Thrones. Nous voici face à un contre-exemple absolu, une fiction chuchotée pleine d’une élégance discrète, efficace et déliée à la fois, parfois aux confins de la série B. Aux étourdis, rappelons que la création de Joe Weisberg raconte tranquillement l’histoire d’un couple d’espions russes qui se fond dans le décor de l’Amérique banale des années 80, avec deux enfants et des amis ne sachant rien de leurs véritables activités. Un homme et une femme placés là par le KGB après leur adolescence comme deux missiles de chair et de sang, assignés à des tâches de renseignement violentes et délicates qui mettent en jeu leur vie à chaque instant.
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Une série qui prend son temps
En résumé, deux êtres à la fois épuisés et galvanisés par le quotidien. La troisième saison qui débute est diffusée simultanément aux Etats-Unis et en France. Elle promet un plaisir vénéneux et se place sous le signe du danger et de l’urgence. Danger pour Elizabeth (Keri Russell) et Phillip (Matthew Rhys) d’être découverts par la CIA et le FBI, dont l’haleine se rapproche dangereusement à cause d’une source problématique. La vie ambiguë, qu’ils incarnent comme des acteurs de théâtre ayant fini par se confondre avec leur rôle, pourrait se désagréger ou changer totalement de nature. Ils y sont prêts mais ne sont plus vraiment seuls dans le bateau. Alors qu’ils ne l’avaient jamais envisagé, ils pourraient désormais entraîner avec eux leur fille ado en pleine crise de foi – elle fréquente assidument l’église comme une petite Américaine typique –, dont ils s’apprêtent à faire un agent de l’URSS sur ordre de Moscou. Cette perspective promet beaucoup. Elle va structurer la saison et crée déjà une tension, voire une crise dans le couple.
On en revient toujours là dans The Americans, dont le récit de base consiste à décrypter la formule de la vie à deux, qu’elle soit magique ou oppressante. Mais la beauté de la série fait que les enjeux ne restent jamais centrés sur un seul territoire, fût-ce celui intarissable de l’intimité. Pendant que les personnages principaux se posent des questions angoissantes – comment mener à bien des actions en se sachant potentiellement surveillés ? – ou tentent de préserver des moments pour leur couple, le monde s’agite tout autour et crée un mouvement vertigineux qui les dépasse. Le récit reprend d’ailleurs la semaine de la mort de Léonid Brejnev, en novembre 1982. Plutôt que d’en décrypter les conséquences immédiates sur ses héros, The Americans choisit de laisser planer l’information dans l’air, comme s’il fallait qu’elle infuse naturellement au fil des épisodes.
Cette manière de prendre son temps est davantage qu’un simple choix de scénario. C’est la marque d’une série qui assume toujours mieux ses effets – ce qui n’était pas forcément le cas, notamment durant la première saison – et atteint une certaine majesté de ton. L’entrée dans cette nouvelle saison dénote un art consommé de l’équilibre entre le calme olympien qu’est la vie apparente d’Elizabeth et Phillip, parfois l’ennui qui se profile, et le surgissement de moments de tension où l’adrénaline dévaste tout. Entre le mensonge ouaté et l’adrénaline, entre l’introspection et l’action, la dynamique d’une série s’affine devant nous. Forcément captivant.
Olivier Joyard
The Americans saison 3 à partir du 3 février, 20 h 45, Canal+ Séries
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