Harcelée sur Internet en 2012 puis en 2014, la Youtubeuse féministe Anita Sarkeesian a décidé de poster sur son blog « Feminist Frequency » les tweets insultants reçus en l’espace d’une semaine, suite à son travail sur la représentation des femmes dans les jeux vidéo.
Passés les chatons mignons et les vidéos de panda s’éclatant sur un toboggan, Internet peut se révéler un vrai déversoir de hate. Le genre de haine terrible dont personne n’oserait abreuver son prochain IRL. Histoire de nous faire comprendre la violence du phénomène, Anita Sarkeesian, jeune femme américano-canadienne connue pour ses analyses de la représentation des femmes dans la culture populaire distillées dans des vidéos Youtube, a publié sur son blog « Feminist Frequency » une série de tweets insultants et sexistes reçus entre les 20 et 26 janvier derniers. Parmi eux:
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« J’espère que toutes les féministes seront décapitées »
« Suicide toi, ordure. Tu ne devrais pas avoir le droit de respirer. Un tel gâchis d’oxygène. »/ « Vas te faire foutre grosse salope »
« Je vais te tuer »/ « Je vais te tuer et te violer. »
« Je veux poignarder ton putain d’horrible visage de pute féministe, te tuer et tout le monde s’en foutra salope ».
Anita Sarkeesian reçoit de gentils messages de ce genre depuis 2012 et le début de son travail intitulé « Tropes vs Women in Video Games ». En gros, depuis que la diplômée de sociologie analyse la représentation des femmes dans les jeux vidéos. En juin 2012, elle cherche à lever $6 000 de fonds sur Kickstarter pour financer son projet et se retrouve avec $160 000 récoltés auprès de 6 968 donateurs. Elle achète alors 300 jeux vidéos et se lance dans la publication d’une vidéo par mois sur Youtube. La première, postée en 2013, décrypte le cliché de la demoiselle en détresse au travers de plusieurs jeux vidéo.
Mais c’était sans compter le sexisme inhérent au milieu geek. Anita Sarkeesian se retrouve harcelée sur les réseaux sociaux, à coups de tweets et de mèmes insultants Un jeu vidéo invitant à la frapper voit même le jour. Elle en prend une capture d’écran qu’elle poste sur son blog « Feminist Frequency »:
Dans le même post, Anita Sarkeesian commente d’autres exemples de harcèlement dont elle est victime:
« Une des tactiques préférées des harceleurs est empruntée au porno mainstream et consiste à inclure des images d’éjaculation sur le visage d’une femme. Une autre tactique consiste à prendre une capture d’écran d’une vidéo mise sur pause au moment où la femme a un œil fermé ou est en train de parler afin de la ridiculiser » explique-t-elle ici.
« Les images de ce mème ont été créées à partir de captures d’écran d’une vidéo Youtube et visent à renvoyer une image de moi comme d’une « féministe en colère ». La grande majorité des images créées à partir de ce modèle de mème se concentrent sur des attaques sexistes ou misogynes, basées sur mon genre ou sur ma sexualité présumée, plutôt que sur des critiques de mes véritables arguments » note-t-elle concernant l’exemple ci-dessus.
La campagne de harcèlement en ligne atteint un summum le 27 août 2014 lors qu’un internaute menace de tuer Sarkeesian ainsi que sa famille et révélé son adresse sur Twitter. La vidéo-blogueuse alerte la police et déménage.
Le problème du GamerGate
L’affaire Sarkeesian s’inscrit dans une vague plus globale de harcèlement en ligne visant des gameuses. A l’automne 2014, Zoë Quinn, une programmeuse américaine accusée d’avoir trompé son petit ami avec un journaliste travaillant dans le milieu des jeux vidéos afin d’obtenir une bonne critique, se retrouve humiliée et violemment insultée sur Internet. Si certains gamers utilisent alors le hashtag #GamerGate pour dénoncer le copinage entre développeurs et journalistes, beaucoup s’en servent pour abreuver Twitter de pensées misogynes. Plusieurs femmes évoluant dans le milieu des jeux vidéos se retrouvent harcelée sur Internet, comme Anita Sarkeesian, donc, ou encore la journaliste Jenn Frank qui, écœurée, a décidé d’arrêter d’écrire sur le sujet.
A l’image de Sarkeesian, Zoë Suinn a, elle aussi, décidé de répliquer en lançant, le 21 janvier dernier, Crash Override, un site visant à combattre le harcèlement en ligne. Problème: il est actuellement inaccessible et son compte Twitter n’a pas été alimenté depuis le 23 janvier. Rétropédalage ou piratage en guise de représailles? A suivre.
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