Tombé du nid. Avec une compilation trafiquée, Baby Bird quitte le maquis indie-pop pour bomber le torse sur la place publique. Grand homme. Tous les publicitaires en charge du rock anglais vous le diront : dans l’impitoyable jungle du show-business, le plus difficile, c’est de rester neuf, attrayant, dans l’air du temps. Casse-tête permanent pour […]
Tombé du nid. Avec une compilation trafiquée, Baby Bird quitte le maquis indie-pop pour bomber le torse sur la place publique. Grand homme.
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Tous les publicitaires en charge du rock anglais vous le diront : dans l’impitoyable jungle du show-business, le plus difficile, c’est de rester neuf, attrayant, dans l’air du temps. Casse-tête permanent pour groupe en devenir : comment ne pas perdre le précieux crédit acquis en début de carrière ? Comment capitaliser sur l’excitation provoquée par l’éclosion médiatique on garde un souvenir ému des premières apparitions de Gene ou Shed Seven sans s’étaler lamentablement au moment de confirmer les bons auspices initiaux ? Stephen Jones et Baby Bird en sont précisément à ce point dans leur carrière où chaque geste, chaque sortie de disque, chaque apparition se doivent d’être étudiés scientifiquement, stratégiquement. Heureusement, l’homme-oiseau a bien préparé son affaire et en fin calculateur, c’est par un fameux tour de passe-passe qu’il « entame » la carrière publique de Baby Bird. Qui d’autre pouvait se permettre de présenter son cinquième album le présent Ugly beautiful, sorte de compilation-concept reprenant des titres revus et corrigés de ses quatre premiers albums alors édités en tirage limité comme la pierre fondatrice de son œuvre, le signal officiel de son passage à la vie publique ? Pour la première fois, donc, Baby Bird bénéficie de moyens promotionnels en rapport avec son statut. Récompense immédiate : le carton réalisé outre-Manche par la nouvelle version de Goodnight, redoutable pop-song concentrant en moins de trois minutes toutes les raisons de s’attacher à Stephen Jones exigence mélodique et maestria verbale en tête. Pour la première fois également, un label, en l’occurrence Echo, lui a demandé de mettre de l’ordre dans ses idées et de travailler avec un véritable producteur. On ignore si le choix des morceaux présentés sur Ugly beautiful a été confié aux fans du groupe, comme promis l’an dernier dans un chouette élan démagogique, mais cela importe peu. Ce que Jones démontre ici, c’est que ses chansons résistent à tous les traitements. Ceux, parfaitement déconnectés des réalités commerciales, qui gouvernaient ses bidouillages domestiques, comme ceux, nettement plus professionnels, qui transforment You’re gorgeous ou Too handsome to be homeless en possibles succès populaires. S’impose alors l’évidence suivante : même si tout porte à croire que Baby Bird et ses conseillers sont à la stratégie rock ce que Rommel était à l’exercice militaire, Steve Jones a surtout eu la sagesse de grandir patiemment à l’écart des projecteurs, attendant tranquillement que la coquille de l’œuf se fendille pour sortir le bec. Aujourd’hui tombé du nid, l’oiseau futé peut goûter à l’incongru bonheur d’être à la fois l’artiste le plus prometteur du moment et le compositeur le plus prolifique des quinze derniers mois. On n’aura jamais attendu sixième album avec autant d’impatience.
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