Dans l’immédiat après-68, c’est un Léo Ferré ivre de mort et de rage qui se produit sur la scène de Bobino. On retient de l’enterrement de Léo Ferré cette image d’une rare cruauté : Barbelivien et Lalanne, les deux pires infamies sur jambes à avoir jamais foulé nos contrées, s’appropriant honteusement dans le cimetière de […]
Dans l’immédiat après-68, c’est un Léo Ferré ivre de mort et de rage qui se produit sur la scène de Bobino.
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On retient de l’enterrement de Léo Ferré cette image d’une rare cruauté : Barbelivien et Lalanne, les deux pires infamies sur jambes à avoir jamais foulé nos contrées, s’appropriant honteusement dans le cimetière de Monaco une part de l’héritage du vieux. Un peu comme si Orson Welles se laissait chialer sur la tombe par Elie Chouraqui ! On eut du mal à croire que l’impassible chêne ait à ce point déjanté sur la fin pour laisser de tels nains lui souiller l’écorce. Une vie passée à mettre en joue toute forme de conformisme méritait à coup sûr un épilogue plus digne que ce triste ballet de médiocres, réacs visqueux et poètes risibles de surcroît. Oublions cet affront pour retourner en 69, lorsque Ferré était vivant et avait des fréquentations mieux choisies ; une rencontre au sommet eut lieu en effet cette année-là avec Brel et Brassens, formant ce triumvirat imposant face au crépuscule des idoles yéyé. L’Idole, son piano à la Rachmaninov, sa perfidie doucereuse, entame d’ailleurs ce long récital de Ferré – accompagnement minimal, un playback – orchestre faisant de timides apparitions -, onze ans après son premier passage à Bobino, neuf mois après Mai 68. Vu la date, ce spectacle revêt forcément des airs d’apothéose et Ferré ferraille ici comme jamais, n’épargnant rien ni personne – hormis son chimpanzé Pépé-, mais avec encore ce baume dans la voix qui tempérait alors avantageusement les excès. Tout au long des vingt-six chansons, chaque allusion aux « enfants du mois de mai »-L’Eté 68- et au gaullisme finissant – La Révolution – est ponctuée d’applaudissements fournis. Ils ont voté, ce pamphlet libertaire d’une inégalable violence, s’octroie les salves les plus exaltées. A réécouter Ferré aujourd’hui, on réalise que même un Miossec, pourtant unique prétendant au trône, fait encore à côté figure de boy-scout. C’est dire si tous les autres, idoles de la chanson prétendument corrosive, s’agitent loin derrière. D’idoles, il est encore question dans ce texte, Les Idoles n’existent pas, écrit par Ferré pour la revue Janus et reproduit dans le livret : « Si Johnny Hallyday était prêtre, que d’encens dans les maisons les plus pasteurisées, que de messes, que de prières, que d’indulgences n’inventerait-on pas pour faire d’un chanteur de music-hall un nouveau Bouddha, un Jésus aux bottes de cowboy. (…) Il n’y a pas d’idole. Non. L’idolâtrie est littéraire ou imbécile. Il n’y a que des hommes, et encore Il y a la vie, et puis la mort. C’est tout. » Qu’en pense Francis Lalanne ?
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