Le bel âge. Ancien leader des séminaux X de Los Angeles, John Doe ouvre sa maison de retraite : hantée et inconfortable. Pour les plus jeunes d’entre vous, il est bon de rappeler, dans l’un de ces cours magistraux et nostalgiques, que John Doe fut le leader de X, groupuscule punk californien dont on n’a […]
Le bel âge. Ancien leader des séminaux X de Los Angeles, John Doe ouvre sa maison de retraite : hantée et inconfortable.
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Pour les plus jeunes d’entre vous, il est bon de rappeler, dans l’un de ces cours magistraux et nostalgiques, que John Doe fut le leader de X, groupuscule punk californien dont on n’a toujours pas fini de mesurer l’influence. De Mazzy Star à Offspring, on a rarement constaté tel cuménisme dans l’évocation, larme à l’œil, d’un seul album : Los Angeles. Enfin un peu de terrorisme sous les palmiers. Ayant la décence de reconnaître que rides et révolte ne faisaient qu’un ménage pathétique dans le rock, John Doe eut la bonne idée de se retirer du punk-rock : guitare sèche, retour aux sources des musiques américaines, cinéma… Faux traditionaliste chez lui, une chanson de Tom Petty paraîtrait irrémédiablement venimeuse , John Doe s’est inventé égoïstement sa propre case chez les disquaires, voisine méprisante de l’atroce bac « rock adulte » dont raffolent les autoradios de BMW (bas de gamme, à crédit) : le rock adulte et inconfortable, où il côtoie John Fogerty, Jeff Buckley ou Neil Young. En cinéma, ça donne des Harry Dean Stanton, des Harvey Keitel : l’âge et le cursus pour la respectabilité, l’âme trop vagabonde et perturbée pour les lauriers, les salons.
On ne connaît que trop ces rêves de reconnaissance mate mon songwriting, écoute comme je tue à l’écriture nombriliste généralement associés à ces albums solo de plumes trop longtemps maintenues à l’étroit dans un groupe. De Thurston Moore à Kevin Rowland, la liste est trop longue de ces albums aussi viscéraux pour l’auteur que franchement épuisants pour l’auditeur, qui se moque bien de telle exposition de linge sale. Bavards et perso, ces albums oublient systématiquement en route la musique, dernière roue du carrosse. Piège brillamment évité par John Doe, qui a convoqué là un vrai groupe emprunté à Edie Brickel, à Beck, aux Blasters pour porter sa voix à bout de bras. Il faut entendre sa voix, grave et glaçante comme le plus inquiétant John Cale, rôder dans quelques ballades où elle sème la terreur (Hits the ground, Tragged by definition) ou éclairer à elle seule un rock banal (Kissing). Il faut entendre ces moments tendus et brutaux où il affronte à nouveau Exene Cervenka, sa moitié noire de X, la fureur à peine cicatrisée : « Il n’y a rien de mauvais chez moi/Tout est maîtrisé/Je suis devenu honnête et loyal. » John Doe rangé des bécanes ? C’est ça, et ma mère, c’est Edith Cresson.
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