Un ensorcelant hommage au chef-d’œuvre d’Hitchcock, Sueurs froides. Entre réalisme magique et érudition, Mario Cuenca Sandoval livre une ambitieuse enquête borgésienne.
Dans Les Hémisphères, les deux héros cinéphiles rêvent “d’un film capable de traverser l’écran”, mais c’est à eux qu’incombe la tâche d’une hallucinante traversée des miroirs. Tout commence par un accident de voiture, sur la route d’Ibiza : les deux amis en réchappent mais causent la mort d’une jeune femme. De retour à Paris, le poids de cette disparition les éloignant, leurs chemins se recroisent trente ans plus tard : quand l’un, devenu cinéaste underground prônant l’ultraviolence, demande à l’autre, romancier, de veiller sur sa femme comme un “ange gardien”.
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Ce sont les cinquante premières pages de ce volumineux roman, enquête borgésienne entre rêve et réalité, donnée comme un remake de Sueurs froides. En effet, tout au long de cette ambitieuse intrigue policière (un deuxième meurtre suivra, une fille perdue “aux jambes les plus longues du monde”), figurent, insérés, des extraits d’articles portant sur le chef-d’œuvre d’Hitchcock, renforçant son caractère de roman à tiroirs.
Hommage à la littérature et au cinéma
Dans un Paris fantasmagorique, entre les cimes de Belleville et l’institut médico-légal en bord de Seine, entre fêtes déguisées et hall d’aéroport, l’un des personnages se perd dans une quête obsessionnelle, victime d’une conspiration. On finit par perdre le fil, mais sans jamais cesser d’être envoûté par l’atmosphère, sorte de mixage d’une imagerie à la Franju et du suspense horrifique des films de De Palma.
En France, on ne connaît pas l’écrivain espagnol (40 ans, philosophe, auteur de nouvelles et de trois romans, dont Le Voleur de Morphine publié au Passage du Nord-Ouest) mais parions que ces Hémisphères, œuvre ambitieuse et tourmentée, ne passeront pas inaperçus en dépit de sa complexe carnation. Roman de fantôme, intrigue policière, il est un ensorcelant hommage à la littérature et au cinéma, affirmant sa foi totale dans l’art : car lui seul a la capacité d’exorciser le poids et le chaos de l’existence.
Les Hémisphères (Seuil), traduit de l’espagnol par Isabelle Gugnon, 594 pages, 24,50 €
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