Après deux ans d’une gloire fulgurante, le duo revient avec un nouvel album plus ambitieux encore. Rencontre avec deux garçons qui n’ont pas peur de pousser la culture club dans le grand bain de la pop d’aujourd’hui.
Devant la grande scène du festival Nos Alive à Lisbonne, une foule immense s’agite au son de Disclosure. En ce début de mois de juillet, la capitale portugaise accueille le duo pour la clôture d’un festival où défileront, en trois jours, pas loin de 150 000 personnes. Une grosse machine qui en reçoit une autre : depuis 2013 et la sortie de Settle, leur premier album, Howard et Guy Lawrence (oui, ils sont frères) ont battu des records de popularité, d’abord au gré d’un buzz chez les habitués du dance-floor, puis de façon massive à travers la radio, les festival – on connaît la chanson.
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Sauf que rien ne prédisposait ces deux gamins de Reigate, petite ville au sud de Londres, au succès délirant qui finira par les frapper en pleine face. En moins d’un an, Settle s’est vendu à 300 000 exemplaires en Angleterre, devenant ainsi disque de platine (en France : 70 000 copies). Et Latch, single qui propulsera la voix de Sam Smith au premier rang des préoccupations FM, a aujourd’hui dépassé les 150 millions de vues sur YouTube.
Que s’est-il passé ? Depuis quand la house-music rassemble-t-elle à ce point les gens ? La réponse, c’est la recette même de Disclosure : à l’héritage de la dance-music typiquement britannique, ajoutez un bon gros refrain pop et recouvrez le tout d’un brillant de jeunisme, voire de romantisme adolescent. Alors peut-être une génération se jettera t-elle à vos pieds.
A l’heure du deuxième album, titré Caracal, les frères Lawrence ont revu leurs ambitions à la hausse. Plus d’accident heureux en perspective, mais un braquage en règle des ondes et des plates-formes de vente : avec des collaborations signées Sam Smith (encore lui), The Weeknd, Lorde, Miguel, Gregory Porter, Lion Babe ou Kwabs, ce nouvel album est programmé pour tout casser.
Pour en parler, on a rencontré Guy et Howard quelques jours après leur passage au Nos Alive. L’ambiance n’est pourtant pas à la teuf mais au jus d’orange et aux croissants. Il est 10 heures du matin, les frères Lawrence se frottent encore un peu les yeux.
Vous étiez récemment au festival Nos Alive à Lisbonne. C’était une énorme scène… Vous êtes du genre à stresser ?
Howard – (en bâillant) En l’occurrence, on n’était pas stressés à cause du public mais parce qu’on était en phase de test sur nos nouveaux morceaux…
Guy – C’est cool de jouer des nouveaux trucs mais ça demande une grosse dose de concentration. C’était bien cette date à Lisbonne.
Comment sont nés ces nouveaux morceaux, qui aujourd’hui sont réunis sur votre deuxième album ?
Guy – En septembre 2014, on a arrêté les concerts pour se reposer un peu. Et puis on s’est mis tranquillement à écrire à la fin du mois d’octobre. On travaille de façon assez classique. Rien n’est envoyé par fichiers : pour faire un morceau avec nous, il faut nous rendre visite en studio. Pour le reste, on a fait la prod de Caracal à la maison. L’album est plus réussi que le premier. Il est plus fluide, il s’écoute davantage comme un tout.
Quelles leçons avez-vous tirées de Settle ?
Howard – Je crois que l’expérience ne vient pas tant de l’écriture que des tournées. Sur scène, on peut observer la réaction du public devant chaque morceau en particulier. Je ne dis pas que l’expérience de la scène a changé notre façon d’écrire – pas consciemment du moins – mais on a davantage le souci de ce que ça va donner en live.
Guy – C’est inévitable de penser à ça… Les nouvelles chansons seront plus amusantes et plus faciles à jouer.
Howard – Plus faciles ? Pas sûr !
Guy – Il y aura plus de choses à gérer sur scène – et c’est dans ces conditions qu’on prend le plus de plaisir. Ce qu’on a surtout appris, c’est que faire de la musique, c’est beaucoup de travail. On passe 80 % de notre temps à voyager. Ajoutez 10 % de promo et il ne reste plus grand-chose pour le fun ! Mais ça vaut vraiment le coup.
Avec Caracal, vous relevez encore un peu l’ambition.
Howard – On a toujours eu envie de rassembler les gens autour de notre musique, et surtout d’écrire les meilleures chansons dont on est capables. Au final, si nos amis et notre famille aiment ce qu’on fait, alors c’est bon.
Guy – Ce qui est peut-être plus ambitieux qu’avant sur cet album, c’est la production. Je crois que ça tient au fait de s’être un peu détaché de l’étiquette “house music”. Le mot “ambition” est sans doute une autre façon de dire qu’on a voulu élargir notre palette musicale.
Les millions et les millions de clics sur internet, ça vous a mis la pression ?
Guy – C’est dingue, avec le clip de Latch, notre premier morceau avec Sam Smith, je crois qu’on a dépassé les 100 millions de vues…
150 millions, en vrai.
Guy – Putain ! (rires) Heureusement, on ne checke pas les chiffres tous les jours… Quand on y pense, ça met en perspective le chemin parcouru ces deux dernières années. C’est aussi pour ça qu’on voulait absolument refaire un morceau avec Sam sur le nouvel album. Les choses ont beaucoup changé depuis Latch, autant pour lui que pour nous. Cette rencontre, ce n’est pas juste un hasard chanceux.
Il y a une liste de featurings assez dingue sur Caracal.
Guy – Oui… Mais il n’y avait pas vraiment de “liste” au départ. Chaque featuring est venu naturellement. C’est souvent simple : soit on envoie un mail, soit on se croise en festival et on discute… Avec Sam et Lorde, c’était encore plus facile : ce sont des amis.
Pourquoi un tel panorama de voix ?
Guy – C’est rafraîchissant d’avoir une nouvelle voix à chaque morceau. Ça varie les registres d’énergie et d’émotion. On a adapté notre écriture et la production à chaque voix. C’est pour ça qu’il n’y a pas de thème ou de message au long cours sur cet album. C’est une collection de moments, qui correspond à des visions et à des histoires individuelles.
Howard – On aurait pu préparer l’album tout seuls puis envoyer chaque morceau aux chanteurs pour qu’ils posent leurs voix dessus. Mais on ne voulait surtout pas faire ça. Nos morceaux racontent quelque chose de nos vies. Sans discussions, sans rencontres, on ne peut pas composer.
Et la cohérence dans tout ça ?
Guy – C’est vrai, la cohérence, c’est un vrai combat. En tout cas, ça l’a été sur le premier album. Avec Caracal, c’était plus facile car fatalement, Disclosure est désormais identifiable musicalement. Peu importent le tempo, le thème ou la voix d’un morceau, je pense que notre son peut rassembler ces éléments dans un tout cohérent.
C’est quoi, un bon morceau pour Disclosure ?
Howard – On cherche toujours une musicalité qui puisse paraître évidente. Et rien n’est évident quand on utilise, comme nous, des sons et des arrangements qui viennent du jazz ou du r’n’b. Ce sont des choses qu’on trouve rarement dans une chanson pop.
Donc c’est officiel : Disclosure, c’est de la pop.
Guy – On n’écrit pas des morceaux pour qu’ils soient pop, mais ils le deviennent. Quand un single passe à la radio, ça change la perception qu’on peut en avoir. Mais d’un point de vue général, j’imagine que Caracal est plus pop que notre premier album. Il fait moins “club”. T’en penses quoi, Howard ?
Howard – Avec le premier album, on entendait partout que Disclosure, c’était de la dance-music. Et puis un jour, on est devenus populaires et d’un coup, apparemment, on s’est mis à faire de la pop-music ! J’imagine que Caracal est un mélange des deux. Mais la définition de la pop est une question subjective…
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Un album pop, le nouveau Disclosure ? La spécificité de Caracal, c’est justement de brouiller les pistes du genre (pop vs house) et de l’univers de diffusion (underground vs mainstream). Dans cet entre-deux, les frères Lawrence ont taillé un espace à leur mesure, recyclant une culture personnelle pointue, issue du clubbing et des subcultures anglaises, pour ensuite traduire un ensemble de signes en langage commun à tous. Caracal est donc un album “passeur de plats”, qui contribue à faire émerger une culture restée longtemps hors des considérations dominantes. Le genre de mécanismes indispensables au renouveau des niches, puis des esthétiques qui font l’histoire. La valeur première de Caracal se joue peut-être sur cette brèche.
Album Caracal (PMR/Barclay/Universal), disponible le 25 septembre
disclosureofficial.com
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