Parmi les 581 romans de la rentrée, il a fallu choisir. Retrouvez notre sélection de quarante auteurs à ne pas rater, confirmés ou nouveaux venus. Forte tendance cette année : la famille, ses secrets, ses dysfonctionnements et ses blessures.
Guillaume Poix
Les Fils conducteurs (Gallimard)
Accra, Ghana. Thomas, photographe européen, hante les faubourgs du port à la recherche de décharges de produits électroniques. Ce qu’il observe avec fascination comme les poubelles de l’Occident regorgent pour Isaac et Moïse, gamins du ghetto, de trésors potentiels…
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Jakuta Alikavazovic
L’Avancée de la nuit (Editions de l’Olivier)
A Sarajevo, en pleine guerre, un jeune homme perd la tête pour une femme réputée dangereuse. Il est gardien de nuit dans un hôtel où vit Amélia, personnage énigmatique et fille de mauvaise vie, sur la mort de laquelle s’ouvre le roman. Il l’observe, la traque sur ses écrans, se planque de peur dès qu’il la voit. Vidéosurveillance, voyeurisme, mise en scène de soi ; fantasmes et névroses de nos sociétés sur-connectées. Le troisième roman d’Alikavazovic impressionne : un souffle, une voix, et puis cette romance quelque peu perverse, comme un îlot d’humanité au milieu du désastre.
Lisa McInerney
Hérésies glorieuses (Editions Joëlle Losfeld)
Cork, sud de l’Irlande. Maureen, qui a abandonné son fils il y a quarante ans, l’appelle au secours lorsqu’elle tue un inconnu ; Georgie, une prostituée, feint d’avoir rencontré le Seigneur ; Karine, jolie ado de la haute société, s’enamoure d’un garçon des rues. Cru, violent, désespéré mais beau, ce premier roman a fait sensation lors de sa parution outre-Manche. On pense à Robert McLiam Wilson (Les Dépossédés), même si l’auteur cite à juste titre les influences d’Anthony Burgess et de Hubert Selby Jr.
pour Les Inrockuptibles
Simon Liberati
Les Rameaux noirs (Stock)
Deux ans après la parution d’Eva, Simon Liberati revient à la confession pour signer un texte mi-récit, mi-essai, sur l’inspiration et la présence de la poésie dans sa vie. Un magnifique hommage à son père, poète et proche d’Aragon, qui traverse ce livre et ses souvenirs. Une réflexion très personnelle, envoûtante, sur les ressorts de l’écriture. A paraître en même temps, Les Violettes de l’avenue Foch, recueil d’articles de l’auteur.
Orhan Pamuk
Cette chose étrange en moi (Gallimard)
Cette chose étrange en moi est sous-titré “La vie, les aventures, les rêves du marchand de boza Mevlut Karatas et l’histoire de ses amis ; tableau de la vie à Istanbul entre 1969 et 2012, vue par les yeux de nombreux personnages”. Le nouveau livre du maître des lettres turques est aussi le grand roman qu’on attendait sur la Turquie contemporaine. Ou comment l’histoire de la boza, boisson populaire plus ou moins alcoolisée (les avis varient, selon que l’on soit croyant ou pas), peut prendre la forme d’un manifeste éminemment politique.
Joël Baqué
La Fonte des glaces (P.O.L)
Un charcutier à la retraite. Un manchot Empereur empaillé. Une échappée extrême dans l’Antarctique. Un Inuit inouï, pourvoyeur de biscuits soviétiques très chargés en hallucinogènes. Un affairiste fomentant une multinationale du glaçon préhistorique. Un iceberg dans la rade de Toulon. Un éléphant assassin… Voyez pas le rapport ? Joël Baqué si ! Avec La Fonte des glaces, son deuxième roman, sorte de dérapage incontrôlable dans une chaîne de causalités dadaïstes, il signe un des livres les plus frappadingues et réjouissants de la rentrée.
Miguel Bonnefoy
Sucre noir (Rivages)
Sur fond de trésors disparus et de distillerie de rhum dans les Caraïbes, Miguel Bonnefoy romance les fortunes et les tragédies tropicales d’une famille d’exploitants. Portée par la prose éclatante de l’auteur franco-vénézuélien, le roman fait se croiser corsaires et explorateurs, amants et ambitieux, héritières et damnés. Deux après son enchanteur Voyage d’Octavio, Bonnefoy confirme son statut de jeune prodige de la fiction francophone avec ce deuxième opus à l’imaginaire envoûtant.
Marie Darrieussecq
Notre vie dans les forêts (P.O.L)
Darrieussecq renoue avec l’énergie qui était la sienne dans Truismes pour nous donner à lire un étonnant roman de science-fiction. Dans un univers post-attentats régi en grande partie par des robots, une narratrice cachée dans une forêt témoigne de ce qu’elle a découvert, l’envers terrifiant d’une organisation parfaite. Darrieussecq revisite avec beaucoup d’inventivité et d’humour le genre du récit d’anticipation, crée une héroïne inoubliable et signe surtout son texte le plus politique.
pour Les Inrockuptibles
Katie Kitamura
Les Pleureuses (Stock)
La narratrice se retrouve seule dans un hôtel en Grèce à la recherche de son mari, dont elle était séparée depuis quelques mois et qui a disparu. Elle observe, s’interroge, attend. L’originalité de ce premier roman doit beaucoup à la personnalité de cette héroïne mutique qui semble étrangère au monde et à la vie, et dont on ne saura rien. Kitamura nous entraîne dans un récit envoûtant où tout peut arriver, difficile à classer dans un genre littéraire déterminé, du roman psychologique au polar.
Jenni Fagan
Les Buveurs de lumière (Métailié)
“Il y a trois soleils dans le ciel et c’est le dernier jour de l’automne – peut-être pour toujours.” Ainsi commence Les Buveurs de lumière, dont le premier chapitre indique “Novembre 2020. Température – 6 degrés”. Nous sommes entrés dans l’âge de glace. En Ecosse, quelques marginaux – taxidermiste fou, couple de satanistes, ex-star du porno – résistent au désespoir en poursuivant leur vie. Une fin du monde d’un lyrisme radical, splendide, baignée par l’aurore boréale.Aussi majestueux et poignant que le Melancholia de Lars Von Trier.
Antoine de Baecque
Les Talons rouges (Stock)
1789. Alors que Paris bouillonne d’élans républicains, les Villemort, aristocrates influents et vampires féroces, sont gagnés par le trouble révolutionnaire. Quand certains veulent accompagner le mouvement et renoncer au vampirisme, d’autres défendent l’Ancien Régime et les traditions sanguinaires. Historien, cinéphile et biographe, Antoine de Baecque a déjà publié près de cinquante ouvrages. Avec cette fresque historique à la sauce gothique, il signe un premier roman saignant qui arrive à point.
Catastrophe
La nuit est encore jeune (Pauvert)
On a découvert Blandine Rinkel en janvier avec son premier roman L’Abandon des prétentions. Quelque temps avant, elle avait cosigné avec son collectif, Catastrophe, une chronique dans Libé enjoignant sa génération, les vingtenaires, à apprendre à tirer parti du chaos ambiant. Aujourd’hui, Catastrophe prolonge ce geste en signant un essai. Ils sortiront aussi un disque, produit par Tricatel.
Valeria Luiselli
L’Histoire de mes dents (Editions de l’Olivier)
Gustavo “Grandroute” Sanchez est capable d’imiter Janis Joplin après deux rhums, il compte jusqu’à huit en japonais et sait faire la planche. Mais surtout, “Grandroute” est le meilleur commissaire-priseur du monde : il peut mettre aux enchères ses dents en les faisant passer pour celles de Platon ou Borges et même se vendre lui-même, pour mille pesos… Sensation des lettres latino-américaines, Valeria Luiselli tisse une farce déjantée sur le pouvoir de la fiction et le consumérisme de l’époque.
Jarolsav Kaflar
Un astronaute en bohème (Calmann-Lévy)
Fils de collabo soviétique devenu astrophysicien tchèque, Jakub a accepté de partir seul pour une mission spatiale de huit mois. Mais quand au bout de treize semaines sa femme le quitte par écran interposé, l’Ulysse galactique se met à délirer au milieu des étoiles et rejoue le film de sa vie. Premier roman à la fantaisie cosmique, Un astronaute en bohème lie l’intime, le cosmos et l’histoire dans une odyssée rocambolesque et planante. Mise en orbite imminente.
Viet Than Nguyen
Le Sympathisant (Belfond)
En 1975, Viet Than Nguyen a 4 ans et il est l’un des premiers Boat Peoples à quitter Saïgon pour les USA. Quarante ans plus tard, devenu écrivain anglophone, il rafle le Pulitzer de la fiction grâce à son Sympathisant, un premier roman vertigineux, à mi-chemin du thriller d’espionnage et de l’odyssée identitaire. En romançant les mémoires d’un agent double communiste installé à L. A., il exhume les maux des enfants de la guerre et sublime le trauma du déracinement d’une communauté entière. Magistral.
Anne et Claire Berest
Gabriële (Stock)
Chacune romancière, les deux sœurs signent ensemble la biographie de leur arrière-grand-mère, Gabriële Buffet, pour mieux réparer un silence familial. Musicienne, épouse de Picabia, amante de Marcel Duchamp, cette femme hors norme fut surtout l’inspiratrice et le cerveau d’une partie de l’avant-garde artistique du début du XXe siècle. Un très beau texte, très inspiré, sur cette parente que les auteures découvrirent à mesure qu’elles l’écrivaient.
pour Les Inrockuptibles
Yannick Haenel
Tiens ferme ta couronne (Gallimard)
Ecrivain marginalisé, Jean Deichel rêve de 7e art. Il a écrit The Great Melville, un scénario maudit sur l’auteur de Moby Dick que personne ne veut réaliser. Mais un jour, il rencontre Michael Cimino, le cinéaste oscarisé de Voyage au bout de l’enfer, devenu le paria d’Hollywood après le fiasco de La Porte du paradis, alors l’espoir renaît. Farfelu, érudit et élégant, Yannick Haenel renoue avec la fiction pour célébrer l’extravagance, la liberté et les tourments de la création. Ensorcelant.
Colson Whitehead
Underground Railroad (Albin Michel)
C’est un immense réseau de chemin de fer souterrain, construit par des esclaves affranchis pour aider leurs semblables à fuir l’oppresseur blanc. L’underground railroad relie les Etats du sud au nord du pays. En réinventant cette histoire extraordinaire et en remontant aux racines du mal, ces Etats ségrégationnistes, Caroline du Sud, Tennessee, Indiana, que Cora fuit dans son odyssée vers la liberté, Whitehead raconte comme nul n’a su encore le faire l’histoire raciale de son pays. Le prix Pulitzer 2017.
David Lopez
Fief (Seuil)
Nés dans cette zone floue où il y a trop de bitume pour que ce soit vraiment la campagne et trop de vert pour que ce soit vraiment la banlieue, Jonas et ses lascars ne sont “pas des p’tits bourges des lotissements, pas des cailleras de cité”. Pour soigner leur trouble identitaire et un genre de désarroi générationnel, ils s’en remettent au régime bédo-porno-dodo. Premier roman de David Lopez, porté par une prose fracassante, Fief s’impose comme l’une des révélations les plus excitantes de cette rentrée littéraire. On valide.
Julia Deck
Sigma (Minuit)
Organisation secrète de contrôle des idées et des arts, Sigma lutte contre les “œuvres indésirables”. Chargée par le gouvernement suisse de contenir “le potentiel de nuisance” d’une toile abstraite “subversive”, elle infiltre le milieu intello-arty helvète. Avec un sens de l’humour corrosif et une science de la narration virtuose, Julia Deck livre une troisième fiction truculente, tout autant roman d’espionnage, comédie de mœurs loufoque et satire du petit monde de l’art. Cruel donc jouissif.
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