En favorisant la candidature de son fils de 23 ans à la tête de l’Epad, le président bafoue son propre discours aux lycéens vantant les valeurs du travail et des diplômes contre la bonne fortune d’être bien né. D’un côté les héritiers, de l’autre les déshérités, bienvenue dans la Ve Republique monarchiste.
Nul besoin d’être militant d’extrême-gauche pour être abasourdi par le cadeau fait par Nicolas Sarkozy à son fils. On connaît les héritiers de la culture et du spectacle, mais la sanction de la critique et du public pour talent insuffisant y est impitoyable : voir la jurisprudence Anthony Delon dont le patronyme n’a pas suffi à lui profiler une grande carrière d’acteur.
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On connaît aussi les héritiers du sport, mais là encore, la loi du terrain ne fait aucun cadeau : pour un Youri Djorkaeff champion du monde qui a dépassé son père (capitaine des médiocres Bleus de la fin des années 60), combien d’Axel Merckx ou de Jordi Cruyff anonymes. Dans les milieux d’affaires, les transmissions de père en fils sont monnaie courante (et trébuchante), chez les Lagardère comme chez les Dassault, chez les Bolloré comme chez les Bouygues. Mais d’une part, on est ici dans le domaine du droit privé, d’autre part, Martin Bouygues ou Arnaud Lagardère ont fait leurs classes à l’université et à l’intérieur du groupe avant d’en prendre les rênes.On imagine aussi que si leur gestion était incompétente, les conseils d’administration ne manqueraient pas de les débarquer.
Dans l’affaire de la Défense, on est dans le domaine public ou para-public, secteur où la loi de la démocratie et du mérite républicain ne doit souffrir aucune exception. Pas besoin d’être inspecteur d’académie pour savoir qu’une deuxième année de droit à 23 ans est insuffisante pour prétendre à la direction de l’équivalent parisien de la City et qu’en favorisant ainsi son fils, le président bafoue son propre discours aux lycéens vantant les valeurs du travail et des diplômes contre la bonne fortune d’être bien né. Les Sarkozy auraient dû revoir Passe ton bac d’abord plutôt que Le Parrain ou Si Versailles m’était conté. Car cette histoire ressemble à un mélange de retour à l’Ancien Régime et de privatisation très contemporaine de la chose publique.
Comparer le 9-2 et le 9-3 offre un bon raccourci de ce que devient la France en notre Ve République monarchiste sarkozienne : d’un côté, une famille de seigneurs féodaux considère son fief comme une propriété privée que l’on se transmet de père en fils, de l’autre, les serfs contemporains croupissent dans les barres HLM, le chômage, la mise au ban, sur fond de délitement des services publics. D’un côté, la puissance étatique est au service d’une famille, de l’autre, elle a déserté (plan Marshall des banlieues, Fadela Amara, où êtes-vous ?). D’un côté les héritiers, de l’autre les déshérités. 9-2, 9-3, c’est surtout d’un grand coup de neuf dont a besoin d’urgence notre République dissolue.
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