A l’origine de « Fade Out Lines », un des gros tubes de 2014, The Avener s’apprête à publier son premier album, écoutable dès maintenant, ici, en avant-première. En décembre, on avait rencontré le producteur Niçois au festival Music Village, aux Arcs. Interview bonus.
Pour écouter l’album de The Avener sur mobile, il suffit de cliquer ici.
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[Initialement publié le 19 décembre à 12h16] C’est le début de l’hiver. Pour les festivals, ça se passe désormais en altitude. Ils sont d’ailleurs un peu plus nombreux chaque année, et 2014 n’échappe pas à la règle avec ce nouvel événement : le Music Village. Montée en parallèle du Festival de cinéma européen des Arcs, cette première édition se tenait le week end dernier, entre le 12 et le 15 décembre, entre 1600 et 2000 mètres. Au programme, entre autres : Isaac Delusion, Synapson, We Were Evergreen, Superpoze, Thylacine, et donc The Avener.
Une bonne occasion pour fêter l’ouverture des pistes et manger une bonne tartiflette. C’est d’ailleurs après l’ouverture des pistes et une bonne tartiflette qu’on rencontre Tristan Casara, alias The Avener, dans une arrière-salle du nouveau petit club des Arcs 1800, Le Carré. On discute en fumant des clopes, assis sur des fûts de bières.
Tu as déjà joué dans des conditions similaires, dans un club de station avec plein de jeunes Anglais alcoolisés ?
Tristan Casara (The Avener) – Non, c’est la première fois. Je ne connaissais pas Bourg-Saint-Maurice. C’est sympa, il y a une bonne ambiance, les gens sont en week end ou en vacances. C’est cool.
Quel bilan fais-tu de 2014 ?
C’est l’année de la concrétisation de 10 ans de travail dans l’électronique, dans tous les milieux et tous les styles. Ca a été une année très fructueuse, qui m’a enfin permis de vivre ce que je voulais vivre depuis longtemps : voyager, partager, jouer, produire. C’est un bonheur. Aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours voulu faire ça. C’est un rêve d’enfant qui se réalise.
Fade Out Lines est devenu un très gros tube. Comment as-tu vécu cette montée dans les charts ?
D’un point de vue personnel, je l’ai vécu au jour le jour, très simplement. J’essaye de garder la tête sur les épaules pour préparer la suite : la sortie de l’album en janvier. Aujourd’hui, c’est ça qui est important pour moi. Mais je suis tellement pris par mon emploi du temps que je ne réalise pas vraiment ce qui se passe. Le morceau a été n°1 sur iTunes dans dix-sept pays : pour moi c’est incroyable, même dans mes rêves les plus fous je n’aurais pas espéré ça. Ca me met beaucoup de pression, mais ça me procure aussi beaucoup de joie.
Le succès de ce morceau a-t-il influencé ton travail sur l’album ?
Complètement. Avec ce titre, je me suis trouvé. C’est un mélange de toutes mes influences en tant que DJ et producteur. J’ai passé 10 ans en tant que DJ résident dans ma ville, à Nice. Je suis passé par plein de styles musicaux. Par moments, même, la musique électronique me plaisait moins. Je la trouvais trop froide, trop agressive, trop aigue – c’était l’époque de l’engouement pour l’EDM américaine. J’ai parfois eu envie de revenir aux basiques : il y a 10 ans, j’ai commencé avec la deep house – ce créneau revient en Europe depuis quelques temps. Pour moi, c’était magique : j’ai enfin pu mixer toutes mes influences par le biais de la deep house. C’est tout ça aussi qui a influencé l’album. Je suis très fier du résultat. J’ai voulu tourner la page sur l’electro froide, triste, sans instruments. Je commençais à me tuer dans ce créneau-là.
Avais-tu un cahier des charges, des choses que tu voulais faire précisément sur ce premier album ?
Ouais. J’avais envie de faire revivre des morceaux du passé. L’album est composé à 80% de reworks. Pas forcément des choses très connues, mais qui me tenaient à cœur, que je gardais secrètement dans un petit dossier depuis des années. Quand on m’a dit que le succès se profilait, je me suis dit qu’il fallait que je produise un peu plus. Je me suis donc dirigé vers un délire à la Moby – mais en plus moderne –, en essayant de sampler et reworker les trucs qui me plaisent. Entre temps j’ai signé avec Universal, une major donc, avec beaucoup d’envie et de stratégie marketing. Mais ils m’ont laissé le libre choix de tout ce que j’ai fait jusqu’à présent. L’album est un panel de ce que j’aime, un voyage à travers les époques et les styles. Ce ne sont pas uniquement des morceaux dansants. Mais même les morceaux dansants ne sont pas obligeants. Il y a quelques jours, une nana m’a dit qu’elle écoutait Fade Out Lines le matin comme un morceau de pop, et le soir avec des amis avant de sortir en club. C’est un peu ça, le fil conducteur de l’album.
Comment t’es-tu dirigé vers Phoebe Killdeer, Rodriguez, Kadebostany, Mazzy Star et toutes les autres collaborations de l’album ?
C’est un travail que j’ai réalisé en commun avec mon label indépendant, 96 Musique. Universal, derrière, a aidé à retrouver tous les ayants droit, ce genre de choses. Ca a été un peu compliqué au départ, mais avec le succès de Fade Out Lines, l’accès à ces artistes a rendu la démarche beaucoup plus simple. Encore aujourd’hui, je ne réalise pas qu’il y ait de tels featuring sur l’album. Rodriguez, par exemple, était comblé de joie à l’idée de cette collaboration. Son histoire est ponctuée d’intervenants comme moi, qui lui ont permis d’aller plus loin et de continuer à vivre sa passion. C’est énorme pour moi.
C’est difficile de te placer dans un genre. Tu as pourtant travaillé sur des styles précis en tant que ghost producer. Définis-tu ta musique maintenant que tu composes pour toi-même ?
Oui et non. J’écoute énormément de musique. Je viens du piano classique, qui m’a permis d’ouvrir mon oreille à beaucoup de choses différentes. L’electro, je l’ai découverte à 15 ans. Je suis passé par plein d’étapes : le rock, le blues, le funk… J’ai connu des périodes où, pendant quelques mois, je n’écoutais qu’un seul style. Je me suis perdu dans tout ça. Aujourd’hui, j’ai du mal à dire où je me trouve. Je fais de la musique, tout simplement. J’ai la chance d’avoir une ouverture d’esprit assez large pour pouvoir créer des choses très différentes les unes des autres.
C’est une libération de ne plus travailler pour les autres, et de te consacrer enfin pleinement à ton projet ?
Oui, complètement. Quand je faisais de la ghost production, il y a avait des choses qui me plaisaient, et d’autres qui me plaisaient moins… J’ai passé 2 ans à Paris en tant que DJ, entre 2010 et 2012. Ca a été un peu difficile car je n’arrivais pas à faire mon trou. Je faisais quelques dates, mais ça ne suffisait pas pour gagner ma vie. C’est à ce moment que j’ai travaillé avec beaucoup de gens. Ce n’était pas toujours plaisant mais le partage était important, j’ai appris énormément de choses. Je suis content, aujourd’hui, de faire enfin ce qui me plait, et de pouvoir dire « fuck off » à ceux qui me demandaient de faire des morceaux que je n’aimais pas !
Sur l’album, de la même façon que sur Fade Out Lines, il y a quelque chose de très léger, mais aussi de très mélancolique. La dance music est-elle forcément une réponse à un mal-être ?
J’aime bien le côté sombre de l’electro. J’ai tendance à favoriser le côté mineur plutôt que le côté majeur de la musique. Ca se ressent dans mes influences. Ma musique est très personnelle. Quand je suis en studio, je suis très seul, je m’enferme pendant des jours. J’aime le côté un peu sale, un peu abimé, un peu égoïste de la musique de club. Les morceaux tristes, j’ai parfois l’impression qu’on les écoute comme on prend un médicament : quand on est seul et qu’on a besoin de relâcher la pression. Cette tristesse vient peut-être de mon passé.
Comment ce passé continue de s’exprimer aujourd’hui ?
J’ai connu pas mal d’échecs. C’est courant dans la musique. Mais sans parler de mon histoire personnelle, je pense qu’on vit dans une époque difficile. Je suis une éponge de tout ce qui se passe en ce moment. J’essaye de retranscrire ces impressions dans ma musique, même si ce n’est pas toujours très prononcé.
Quand tu composes, tu penses à l’effet qu’auront tes morceaux une fois lâchés sur le dancefloor ?
Bien sûr. A la base, je suis DJ. Aujourd’hui, je le suis autant que je suis producteur. Donc quand je sens qu’un morceau en préparation se prédestine à la danse, je vais forcément l’éditer en conséquence, selon ma vision du dancefloor. Les deux sont intimement liés.
Tu retournes souvent à Nice ?
Oui, bien sûr. Ma famille et tous mes amis sont là-bas. C’est ma ville de cœur. J’y ai tous mes repères. Mes petits bars, mes petites rues, mes petits coins de plages… Je suis très content à chaque fois que j’y retourne, et quand j’y suis, j’ai du mal à repartir.
Il y a des musiciens dans ta famille ?
Du côté de mon père, oui. Mes grands-parents étaient tous les deux musiciens : mon grand père était trompettiste à l’Opéra de Marseille et ma grand-mère cantatrice, à l’Opéra également. La musique vient peut-être des gênes ! Car depuis ma naissance, je suis le seul à faire de la musique dans ma famille. J’étais destiné à faire des études de droit… J’étais déjà DJ résident quand je me suis inscrit à la fac. J’ai très vite fait le choix de me diriger à fond dans la musique.
La piano classique, on t’a poussé à en faire, ou bien est-ce venu naturellement ?
C’est venu naturellement. Pour la petite histoire, je m’en souviens comme si c’était hier : j’avais 5 ans et on mangeait chez des amis de ma mère. Il y avait un piano et c’était la première fois que j’en voyais un. Je l’ai ouvert, j’ai joué quelques notes, et en sortant de l’appartement j’ai tout de suite dit à ma mère : « Maman, je veux faire du piano ». J’ai eu la chance qu’elle m’inscrive dans une école très tôt.
La musique électronique, à l’adolescence, tu l’as vécue comme une rébellion contre le classicisme du piano ?
Complètement. J’ai découvert l’electro avec des mecs comme Amon Tobin et Aphex Twin – les trucs pointus de l’époque. Je n’ai pas commencé par le côté smooth de l’electro, mais directement par le versant expérimental, détaillé de cette musique. Ca entrait toutefois en résonance avec la musique classique que je faisais – des choses déstructurées, dissonantes. J’ai retrouvé ça dans la musique électronique, mais avec davantage de pêche, et des sons complètement nouveaux. Ca a été la révélation. J’ai tout de suite arrêté le piano et demandé des platines à ma mère, qui a préféré m’offrir ça plutôt qu’un scooter !
Tu conceptualises ta musique ? En termes de formes, de couleurs, de structures…
Oui. Quand je réécoute ce que je fais, je trouve ça assez cohérent – je dis ça sans prétention aucune, bien sûr. J’essaye de trouver un équilibre entre mes différentes influences. C’est naturel pour moi. Quand tu as commencé la musique aussi tôt, les choses deviennent vite inconscientes quand tu composes. J’ai étudié des années la structure, la musicalité, le langage… Je reproduis forcément, même sans m’en rendre compte, les schémas que j’ai appris. C’est différent chez les autodidactes.
Après des décennies de musiques électroniques, est-ce que tu crois qu’un nouveau classicisme, qu’une nouvelle tradition peut naitre de là ?
J’aimerais bien. Il y a de très belles choses dans la musique électronique. Beaucoup de musicologues s’accordent d’ailleurs à le dire. Beaucoup de choses se passent d’ailleurs en ce moment. Les techniques sont de plus en plus polyvalentes. On peut, par exemple, faire de la musique orchestrale avec un seul clavier !
Comment tu envisages 2015 ?
La première étape, c’est la sortie de l’album. C’est un aboutissement pour moi. Mais j’ai d’autres projets, dont un live à préparer. Ce sont mes deux objectifs principaux pour l’année à venir.
Album The Wanderings of The Avener (Capitol), sortie le 19 janvier
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