Jeune Français échappé de Saint-Etienne, Sliimy peint de rose et de jaune la bande-son de l’été.
Ça commence avec un déballage de couleurs plus éblouissant qu’un défilé de coureurs kenyans dans une cérémonie d’ouverture des JO : sur ses photos ou dans ses vidéos, Sliimy porte des vêtements à vous faire passer Benetton pour le styliste de Joy Division. Rouge vif, jaune d’or, bleu turquoise, vert éclatant, le dressing du jeune Français ne connaît visiblement ni la crise, ni le spleen, et sa machine à laver nettoie sans délaver.
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Le vert, pourtant, n’a pas toujours été la couleur préférée du Stéphanois, bachelier depuis un an à peine. “En grandissant à Saint- Etienne, tu as parfois l’impression que ton destin est tracé, tes goûts déjà établis. C’est probablement le cas pour pas mal de villes de province. A Saint-Etienne, tu es obligé de soutenir les Verts. Tu as l’impression qu’on t’a préparé le kit de l’avenir, que les gens t’amènent à faire certaines choses parce que tu viens de là. Tu n’as pas le droit de t’ouvrir à d’autres choses, de t’habiller autrement. C’est mal vu. Moi, j’ai fait tout l’inverse. Je suis fasciné par la culture anglaise depuis que je suis tout petit. J’avais envie de partir là-bas. C’était une façon de rêver, je pense, et de refuser d’être coincé dans ce modèle.”
Les modèles de Sliimy, qui ressemble au neveu de Prince, période Parade, qui aurait appris le stylisme en stage chez Mika, sont en effet à aller chercher outre-Manche, voire outre-Atlantique, et aussi plutôt du côté de la gent féminine. Après une adolescence rythmée par les singles de dance avariée, c’est dans les pop-songs chipies de Kate Nash, Lily Allen ou Regina Spektor que Sliimy a trouvé la foi, dans cet art d’emballer le quotidien tristoune dans un papier rose bonbon.
“Comme tous les ados, j’ai écouté pas mal de trucs ridicules… Si tu voulais entrer dans les boums, tu étais obligé d’écouter ça. Ma culture musicale est venue bien plus tard. Je pense qu’internet a beaucoup joué, le fait de pouvoir piocher sa musique, écouter ce qu’on veut. Ce qui m’a plu chez Kate Nash ou Lily Allen, c’est ce côté pas peste mais direct. Cette façon de dire les choses simplement, de raconter les moments de la vie et d’en faire quelque chose de beau. C’est typique de la pop anglaise, et c’est pour ça que j’écris en anglais. J’ai développé ça tout seul, je vivais dans un milieu assez modeste. Ma famille est en dehors de la musique, assez innocente par rapport à ça. Ça me permet de souffler. Je pense que je n’aurais pas supporté des parents toujours derrière moi, à me dire “on va t’accompagner à un casting.”
Symptomatique d’une nouvelle génération qui a découvert les plus grands chapitres de l’histoire de la pop sur le net, Sliimy a peut-être évité les castings, il n’a pas échappé à la mode des compétitions musicales. En remportant un concours de reprises à Saint-Etienne avec une version de (Sittin’ on) The Dock of the Bay d’Otis Redding, le jeune homme gagne, il y a un peu plus d’un an, l’enregistrement d’un morceau dans un studio professionnel. Là, il y rencontre celui qui deviendra son partenaire artistique, Feed, qui l’accompagne à la guitare sur Paint Your Face, premier album léger et lumineux qui arrive logiquement avec le printemps. Car si Sliimy a choisi d’accoler deux “i” dans son pseudonyme (on ne connaît pas son vrai prénom), c’est “parce que ça fait sourire”, et la pop qu’il dévoile sera à n’en pas douter l’hymne festif et hédoniste de l’été, la bandeson des jeunes filles en jupe à vélo et des abus de mojito en terrasse.
De la pop éclatante de Wake up à Tic Tac ou Trust Me, Paint Your Face ressuscite l’éclectisme et la fraîcheur arc-en-ciel qu’on avait goûtés dans le Alright, Still de Lily Allen, chipie avec laquelle Sliimy a en commun le béguin pour le propos cynique et les textes patraques – on fera d’ailleurs résonner pour la première fois le nom de Jarvis Cocker dans les oreilles du jeune homme. Pour saisir pleinement les compositions de Sliimy, la France devra en tout cas réviser sa grammaire anglaise : ludiques en apparence, elles parlent de relations ratées, d’anorexie, d’échecs.
“J’écris souvent des choses un peu noires. Je m’en suis rendu compte à la fin, quand j’ai écouté l’album terminé : il n’y a pas grand-chose de positif. Les mélodies sont pop et entraînantes mais les paroles sont souvent dures.” Car malgré ses tenues bigarrées et ses mélodies béates comme échappées d’un défilé Disney, Sliimy ne partage hélas pas que l’innocence avec Bambi – le chanteur a perdu sa maman lorsqu’il était petit. “J’ai grandi seul avec mon père et ma grande soeur, et je crois que ça a beaucoup joué dans ma vie. Les gens vont forcément avoir une image déformée de moi, celle d’un type heureux en permanence, tout rose, avec une vie parfaite. Pourtant, j’ai vécu des choses assez dures. C’est aussi pour ça qu’aujourd’hui j’ai envie de profiter, et que je refuse de m’apitoyer sur mon sort. Je suis bien conscient que c’est la crise et qu’il y a plein de choses graves dans le monde, mais j’ai envie de m’amuser.”
Et s’il y a plein de choses graves dans le monde, il en est qui ne le sont en revanche pas du tout, telle la voix de Sliimy : gracile, virevoltante, aiguë, elle assume totalement sa féminité, comme chez une brochette d’autres artistes en “i” (Klaus Nomi, Antony, Boy Georgi…). “Beaucoup de gens me demandent si ça me dérange qu’on dise que j’ai une voix de fille. Je ne comprends pas, ça fait partie de moi, je ne m’en rends pas compte. Je ne vais pas me forcer à changer ma voix. Je suis habitué à être vu comme un excentrique. A Saint-Etienne, c’était souvent le cas. Aujourd’hui, j’ai cette voix et j’affiche ces couleurs. Dans cinq ans, qui sait, je ferai peut-être des photos en noir et blanc. J’aime changer, évoluer. Qu’il s’agisse de musique, de style, d’univers visuel… J’aime coller au moment. Je fais d’ailleurs des petits Polaroid à la fin de chaque concert pour immortaliser l’instant.”
Sliimy part en tournée en avril et on ne laisse pas six mois à ses petits tubes pop, enregistrés dans un studio de douze mètres carrés stéphanois, pour conquérir la France. Préparons-nous à une vague rose.
Album : Paint Your Face (Warner)
Concerts : Le 22/4 à Lille, le 23 à Saint-Genis-les-Ollières, le 24 à Bourges, le 29/5 à Toulouse, le 30 à Marseille, le 31 à Saint-Etienne, le 3/6 à Sannois, le 9 à Bordeaux, le 11 à Strasbourg, le 12 à Metz, le 16 à Paris (Alhambra)
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