Peu coutumiers des réactions à chaud, les plasticiens sont pourtant nombreux ces derniers jours à produire rapidement des images qui disent leur indignation, leur inquiétude et leur solidarité.
Il est rare de voir une telle réactivité chez les artistes plasticiens. Changement d’époque et réactivité internaute ? Proximité de l’événement ? Certes, mais pas seulement. Peu habitués aux réactions à chaud, les plasticiens, dont le régime d’image et les supports nécessitent habituellement une mise à distance, voire une réflexivité fondée sur un travail de digestion, sont nombreux ces derniers jours à répondre à l’appel, à produire spontanément et en quelques jours seulement des images qui disent leur indignation, leur inquiétude et leur solidarité.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Sans doute lié à une certaine proximité avec les victimes de Charlie Hebdo qui faisaient elles aussi du pouvoir de l’image et de la main leurs principales armes, les plasticiens beaucoup plus que lors du 11 Septembre par exemple, qui fit l’objet plusieurs mois voire plusieurs années après de commentaires artistiques (si Tony Oursler abandonna son art vidéo psychotique pour filmer en direct les rues traumatisées de Manhattan, en revanche la série Jpeg de Thomas Ruffel fut exposée à la galerie Zwirner de New York en 2004 seulement), ont cette fois précipité leur capacités d’analyse.
Résultat : parmi les réponses des artistes que nous avons directement sollicités ces derniers jours, et sans compter ceux qui ont déjà réagi à l’événement de leur côté (de JR et ses grandes photos des visages de Cabu ou Charb placées dans la manif, aux simples dessins des designers M/M, visiblement incapables de travailler et de penser sur autre chose ce jour-là), ce sont des images et des œuvres tout à la fois spontanées et distanciées, signées Jean-Luc Moulène, Frank Scurti, Alain Séchas, Théo Mercier, Arnaud Labelle Rojoux, Hippolyte Hentgen, Julien Tibéri, Stéphane Calais, François Curlet, Kader Attia ou Claude Lévêque et qui toutes, avec leur langage, sur le socle de pratiques artistiques solides et qui leur appartiennent (détournement d’images, happenings visuels, disjonctions narratives ou usage cultivé d’une pratique de l’image), qui construisent en direct ce qu’on pourrait appeler des oxymores visuels, un écart dans l’immédiateté, une mise à distance dans l’image réactive.
À l’image des rassemblements populaires de dimanche, il se tisse là une solidarité plasticienne, une union visuelle. Hommages plastiques à des artistes situés aux avant-postes de l’actualité. Et tombés en première ligne.
{"type":"Banniere-Basse"}