Quatre as new-yorkais de la power-pop cultivent jusqu’à l’outrance l’éternel rêve américain des voitures et des filles. A notre connaissance, la dernière fois qu’un album comportait le mot “utopia” dans son titre, c’était un vilain disque de Napalm Death (Utopia banished, 1992), ce qui n’a absolument rien à voir avec l’affaire qui nous concerne ici. […]
Quatre as new-yorkais de la power-pop cultivent jusqu’à l’outrance l’éternel rêve américain des voitures et des filles.
A notre connaissance, la dernière fois qu’un album comportait le mot « utopia » dans son titre, c’était un vilain disque de Napalm Death (Utopia banished, 1992), ce qui n’a absolument rien à voir avec l’affaire qui nous concerne ici. Quoique : contre toutes les musiques qui renvoient des ondes fétides, refoulent sérieusement du refrain et moisissent de l’intérieur, ce deuxième album de Fountains Of Wayne peut idéalement servir d’antidote, de repoussoir mentholé, de bombe aérosol antinuisibles. Utopie ?
Parmi l’impressionnante colonie de groupes d’obédience power-pop sortie d’est en ouest des entrailles de l’Amérique ces dernières années, ce brillantissime quatuor new-yorkais reste l’un des rares chez qui on puisse guetter un miracle, une solution efficace, pour dépolluer l’air des « marilyn-mansonneries » et autres raclures fin de siècle. Avec ce qu’il faut d’arrogance, les mentons assez larges pour encaisser les uppercuts de la gloire, les dents suffisamment longues pour laisser quelques traces sur les tapis rouges, la paire Adam Schlesinger et Chris Collingwood possède les atouts (et les chansons) pour ramasser la récolte semée au cours des deux dernières décennies par des orfèvres agricoles moins chanceux Big Star, Nerves, Posies, jusqu’aux récents et bouillonnants Cherry Twister. Il y a, ne nous le cachons pas, un côté Friends chez Fountains Of Wayne. Cet agaçant maniérisme d’enfants gâtés new-yorkais qui pourrait en l’occurrence leur éviter de passer pour d’éternels radoteurs anachroniques. Cette fontaine-là n’est pas une oasis aperçue à la faveur troublée d’un mirage (et ce n’est pas Oasis et son eau de Mersey croupie par le cadavre des sixties qui flotte en surface), ni un petit filet tiède et sans allure. C’est au contraire une source de jouvence vivace, creusée ici et maintenant à l’aide d’impeccables outils forgés par l’histoire, une carte des trésors de la pop pour aide-mémoire et une volonté de fer pour accompagner l’effort.
Mais les thèmes abordés, en revanche, sont presque entièrement glacés dans ce souvenir fifties d’un modèle américain aujourd’hui moribond. Il y est bien évidemment question de filles et de voitures (leur obsession pour les Cars, soutenue par l’emploi quasi permanent de synthés aigrelets, finit d’en faire à nos yeux des hommes aux goûts sûrs), baladées dans un décor de shopping-malls et de bretelles d’autoroutes qui n’est pas sans évoquer l’hyperréalisme terrifiant des peintures de Ralph Goings ou Ed Rusha. Avec leurs couplets-refrains fondus à l’aérographe, leurs mélodies agressives comme des enseignes lumineuses, l’horizon constamment bleu ciel de leurs harmonies vocales, Fountains Of Wayne parvient à capter exactement ce sentiment grisant et subtilement mélancolique qui nous saisit, pauvres Européens biberonnés au rêve yankee, lorsqu’on pose pour la première fois les pieds sur cette terre promise. Et c’est bien ça l’utopie : une croyance euphorique que le temps finit toujours par contrarier. En quatorze chansons faussement superficielles et profondément justes, Fountains Of Wayne livre ici la chronique parfaite de ces illusions perdues.
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